Les bras croisés j'observais tout autour de moi alors qu'une question, une unique question tournait et retournait dans ma tête sans vouloir en sortir et sans trouver la moindre réponses. Un village Gemnikaä, voilà où j'avais mis les pieds pour une inexplicable raison. Je savais bien que mon ennui perpétuel m'attirerait forcément un jour se genre de question ! Je reprenais ma route, étudiant le lieu pour comprendre pourquoi j'avais ressenti le besoin d'y aller. Surtout que jusqu'à maintenant je n'en avais jamais éprouvé l'envie.

Je n'affichais pas ouvertement un air méfiant mais je l'étais au fond de moi. On ne se rendait pas "par hasard" quelque part. C'était des conneries ce genre de chose et il ne fallait pas me prendre pour plus bête que je ne l'étais. Je n'étais certes pas le plus vieux des dragons qu'on pouvait trouver, mais j'avais suffisamment vécu (surtout en tant qu'hybride) pour savoir que lorsque se genre de chose arrivait, le reste de la journée serait particulièrement pourrit. Et vous pouvez vous dire que ça sent le vécu, parce que oui, c'est du vécu, et je me souviens bien de cette journée pour avoir couru et sauvé ma peau. Faut pas croire mais les manticores sont particulièrement rancunières, quoiqu'on en dise. Au moins ne m'étais-je pas ennuyé se jour là, mais si je pouvais trouver une occupation moins dangereuse que sauver ma peau ça m'arrangerais.

Je sortais du village pour m'engouffrer dans la forêt, m'arrêtant quelques mètres plus loin alors que le souvenir d'une rencontre avec une elfe particulièrement parano me revenait en mémoire. Je n'avais pas vraiment envie de retomber sur un représentant de son espèce, surtout si ils étaient tous comme elle et qu'ils tentaient de tuer toutes les pauvres âmes perdues. D'un autre côté, aller dans cette forêt m'assurerai de rester loin "d'une rencontre dû au hasard".

J'avais donc continué mon chemin et quand je parlais d'une rencontre dû au hasard, ça marchait aussi pour les bestioles indésirables vous savez ? Genre.. celles qui veulent faire de vous un casse-dalle pour la route. C'est que.. ce genre de coïncidences feraient presque peur. Combien de chance, à votre avis, ai-je de m'en sortir en un combat en un contre un contre un minotaure armé d'une lourde hache et avec des avants bras aussi épais que mes cuisses ? Pas beaucoup je dirais, enfin, sous cette forme je suis juste bon pour lui servir de cure dent.

J'évitais le premier assaut d'une roulade au sol et opérais le changement de forme en faisant volte face pour faire face à mon adversaire. Blâmez moi si vous le voulez, mais mes armes sont faites pour l'assassinat et non pas pour le combat de force brute contre une minotaure. Au pire contre une autre humain/humanoïde j'aurais pu faire parade et mener un combat, et encore c'est pas sur, mais contre un minotaure qui a la puissance d'un boulet de canon lancé à pleine vitesse, je n'ai pas l'ombre d'une petite chance.

Au moins pouvais-je constater que le minotaure avait un minimum d'instinct de survit. Mais vraiment juste un minimum, parce qu'il était resté tétanisé dix secondes face à se que j'étais devenu avant de venir détruire sa hache sur mes pierres. Bon à retenir : les minotaures étaient suicidaires. D'un mouvement de queue j'envoyais voler la bête sur plusieurs mètres, la perdant de vu. Je me déplaçais jusque vers son point de chute, arrivant suffisamment près pour la voir atterrir.. à un ou deux mètres d'une femme. Oww..

L'air surpris et la phrase à moitié prononcée était parfaitement légitime. C'est pas tous les jours qu'on voit des minotaures tomber du ciel. Enfin j'espère.. En tout cas, celui là était seul, sûrement un éclaireur, heureusement parce que quand ils étaient en groupe ce n'était jamais bon signe et surtout.. ils étaient chiants ! Je sortais du couvert des arbres, faisant peser ma dizaine de tonne sur le sol et je me rapprochais de la femme autant pour m'excuser que pour récupérer le minotaure assommé. Seulement, arrivé à moins de cinq mètres de la femme, le fait qu'elle me soit familière me frappa et je ne mis pas longtemps à la reconnaître. Cette femme. Un imperceptible frisson me remonta le long du dos et je me retenais à grand peine de hurler toute la douleur qu'elle m'inspirait. Mes yeux verts braquaient sur elle, je retenais ma fureur. Elle avait commit un crime que je considérais pire que le meurtre. Elle m'avait abandonné, cette femme était celle que je devrais appeler mère, mais mon antipathie pour elle ne lui donnait que le droit d'être appelé génitrice. Qu'elle est eut une bonne raison ou même une excuse, je ne pouvais promettre de ne pas lui pardonner un jour, mais pour le moment, la revoir maintenant était un affreux tour du destin. Quand je disais qu'il ne fallait pas croire à ces "rencontres dû au hasard".

« Toutes mes excuses pour ce malencontreux accident ma Dame, je vous prie de croire qu'il était bien en dehors de ma volonté. »

C'est bien, une voix polie et un regard neutre mais chaleureux. J'attrapais la bête dans une de mes pattes avants, m'inclinant au passage pour appuyer mes excuses, mais ne la lâchant pas du regard.

J'aurais souhaité ne pas la revoir, vraiment, et j'insultais les dieux et leur humour déplacé. Je voulais nier qui j'étais lorsqu'elle demanda, je voulais absolument partir et faire comme si je ne l'avais pas revu. Mais quelque chose m'en empêcha. Se même quelque chose qui m'avait poussé à venir jusqu'ici, à rencontrer le minotaure et à la revoir elle. Un grondement résonna au plus profond de moi et passa la barrière de mes crocs sans que je puisse le contrôler. Qu'y pouvais-je ? C'était instinctif, cette femme m'avait fait du mal et j'aurais souhaité lui en faire tout autant, mais en plus d'être incapable de frapper une femme (galanterie oblige), je ne voulais pas l'approcher plus que nécessaire.

Mon corps opéra la transformation inverse et je remerciais mentalement les dragons de récupérer leurs vêtements en redevenant humain. Je dégageais une mèche de devant mes yeux d'un mouvement nonchalant de la main. Mes yeux carmins toisèrent ma génitrice d'une manière fort peu aimable mais qui restait dans le domaine de l'acceptable. L'agacement, la colère, la haine (bien qu'en moindre partie), mais aussi.. de la peur. L'abandon par une mère reste quoiqu'on en dise un terrible traumatisme. Alors je n'hésitais pas, je ne cachais pas se qu'elle m'inspirais, je voulais qu'elle sache, qu'elle voit, je ne serais satisfait que quand je verrais le remord briller dans ses yeux.

« Je suis bien Lucifer, quand à vous, vous êtes celle qui m'a donné naissance. »

Le silence après ces deux phrases fut terrible, à couper au couteau et tellement plein de non-dits que ça en devenait malsain.

« Je vais être honnête, j'aurais souhaité ne pas vous revoir maintenant, mais puisque nous y sommes, je pense que vous me devez des explications pour votre action par le passé. »

Pousser une femme à bout n'était peut être pas la meilleur des choses à faire, mais ne pas donner d'explications serait le meilleur moyen pour cette femme de faire de moi son ennemi. J'étais physiquement relativement détendu, mais mentalement c'était l'apocalypse et j'aurais pu déclencher une catastrophe si je ne maîtrisais pas totalement mes pouvoirs.

« Irrespectueux, inimaginable ? Ce ne sont pas vraiment les termes que j'aurais utilisé pour qualifier et acte mais soit. Pour ce qui est de ma venue non désiré.. j'ai bien sentit que je ne l'était pas, merci bien. Quand à mon père, sachez qu'il se porte à merveille. Maintenant.. ce que je pense de tout cela est fort simple : vous ne vous êtes pas donnée la peine de me confier à mon paternel, ni même à une quelconque personne. Non, à la place vous vous êtes débarrassée de moi de la façon la plus facile qui soit. Sûrement à se moment là espériez vous que je meurs puisque vous n'aviez pas la force de le faire vous même. Après tout, comment appeler cet abandon autrement qu'un meurtre alors que j'avais de la famille ? »

J'avais dit tout cela d'un ton calme et détaché, jouant distraitement avec la tête du minotaure tenais d'une main par une corne. Sincèrement, pour ma santé mental il aurait été préférable que je pousse un coup de gueule, que je laisse éclater ma rage, mais ce n'était pas mon genre. J'étais plus de ceux qui laissaient la colère et la haine se développer en eux pour la ressortir au moment où elle ne serait plus possible à contenir. Aussi je restais parfaitement détendue face à cette femme, hochant la tête à la fin de ses phrases. Cette conversation était en fait tellement stupide que j'aurais pu en rire tellement mes pensées étaient chaotiques. J'agitais ma main devant mon visage comme pour en chasser un insecte et relevais mes yeux grenat vers elle.

« Autant pour vous que pour moi, cela ne rappelle pas de bon souvenirs, je propose de clore le sujet. »

En fait, qu'elle le veuille ou non, le sujet pour moi était clos et je ne comptais plus répondre à une seule question axées sur le passé désormais.

« Puisque cette relation semble compromise entre nous, pourquoi ne pas reprendre sur des bases différentes ? »

Je m'inclinais respectueusement devant cette femme que je m’évertuais à haïr en temps que mère mais que je pourrais sûrement apprendre à apprécier dans une autre relation.

« Enchanté de mon rencontrer ma Dame, mon nom est Lucifer, Lucifer Cross. Puis-je connaître le votre ? »

Ma main se crispa de façon convulsive en écoutant les mots qu'elle prononça pour clore le sujet tout en me redressant. Peut être par le sang, peut être par les gênes, mais certainement pas par les sentiments ni désormais à mes yeux tout simplement. Cette femme que j'aurais pu appeler mère je l'ai enterré il y a bien longtemps, elle n'existe plus. L'unique lien indélébile qui nous reliait désormais était celui d'une femme et de sa progéniture. Je plongeais de nouveau mes yeux dans ceux de cette femme, je la mettait en garde contre ses prochaines paroles, je ne tolérerais pas plus de parole ramenant au passé et à notre relation.

J'acquiesçais lorsqu'elle se présenta, signifiant que j'avais entendu et compris ses paroles. C'est à se moment là que nous reçûmes une visite inattendu, inattendu et étrange. Mes yeux analysèrent et détaillèrent la personne en face de moi, plaçais de sorte à ce qu'elle soit en face de chacun de nous deux en fait. Une déesse. Soit, c'en était une, assurément. Par contre, laquelle, ça c'était un mystère. Non content d'être un hybride, les êtres tels que moi n'avaient pas de dieu, nous n'en veinerons aucun. Généralement l'hybride choisis un des deux dieux de ses parents, ou alors les deux, mais lorsqu'on a été élevé par la rue, on a apprit à se débrouiller seul et à tourner le dos aux dieux.

En tout cas elle venait de confirmer qu'elle n'était pas là par hasard (les dieux ne sont jamais quelque part par hasard, malheureusement). Préférant garder mes remarques pour moi, je choisis le silence à sa question posé. Énerver un dieu n'était pas encore un but que je m'étais fixé. Heureusement pour moi et pour ma mémoire courte au sujet des dieux, elle se présenta en temps qu'Amaya et cela me revint, enfin plus ou moins. Je me souvenais de ce pour quoi elle était connue, mais pas plus. Donc cette déesse était là de la part du dieu de la mort ? Que voulez donc se dieu trop occupé dans son royaume pour venir parmi nous ?

Une nouvelle fois mon poings se crispa et je me retins difficilement de lui lancer un regard colérique. Les dieux se mêlaient de beaucoup trop de chose à mon goût. Mes pensées dérivèrent un court instant vers mon frère et une imperceptible grimace prit place sur mes traits. Si ils avaient agis là aussi ils allaient avoir de mes nouvelles. J'écoutais ses explications, ses justifications, mais pour moi tout n'était que charabia. Je me contentais donc de rester neutre pour finalement enchaîner à la fin de sa dernière phrase.

« Qu'y a-t-il de si important à dire qui nécessite d'envoyer une émissaire à notre rencontre, ma Dame ? Il est quand même connu que vous ne vous déplacez pas pour rien. »

J'avais été courtois, c'était le mieux que je puisse faire car ces deux rencontres ne m'amusaient pas et mon ennui c'était envolé depuis bien longtemps. Sûrement aurais-je souhaité le retrouver plutôt que de rester là à parler avec deux femmes envers qui je n'avais que des mauvais sentiments mais je restais doucement curieux à la dernière phrase de la déesse.

La suite de cette conversation ne me donnait guère confiance. J'avais plutôt la désagréable sensation que ma vie allait être plus chaotique qu'elle ne l'était déjà. Entre mes ennemis en tant qu'assassins et mon frère qui était une calamité à lui tout seul, je sentais que ce que la déesse allait annoncer n'ajouterait que des problèmes à cette liste déjà trop longue pour moi. Ce que la Gemnikäa dit ne me rassura pas plus que ça mais je n'en laissais rien paraître, posant un regard que je voulais neutre sur la déesse mais qui sûrement laissait transparaître une partie de ma colère profonde.

Je n'avais jamais aimé que l'on se serve de moi après tout, ce ne serait pas aujourd'hui ni même demain que cela commencerait.

La colère que je ressentais n'était qu'une légère flamme à côté de la fureur qui broya mon cœur à son annonce. Mes yeux s'assombrirent considérablement et mes mains serrèrent fortement mes bras que j'avais croisé. Un gardien rien que ça ? Et d'après ce qu'elle avait dit un peu plus tôt, Azelma était celui de l'eau et de la vie, et moi du feu et de la mort. Je n'aimais pas que l'on manipule ma vie, et il semblait que Huo s'en foutait royalement et que cela l'amusait même d'aller à l'encontre de ma volonté. Ma mâchoire se contracta violemment et la douleur qui remonta le long de ma mâchoire me permit de reprendre mes esprits avant de commettre l'irréparable. Je m'étais avancé vers la déesse, menaçant et furieux, et sûrement l'aurais-je attaqué sans aucun scrupules si je n'avais pas recouvré ma lucidité.

Reculant brusquement de plusieurs pas, je fixais ma main, perdu, comme si elle détenait à elle seule toutes les réponses à mes questions. Je refermais violemment le poings, me coupant pour ne pas laisser cette colère dicter mes pas. Ce n'était pas dans mon habitude de réagir sans réfléchir, mon comportement m'étonnais moi même et il était temps d'écourter cette rencontre.

« Soit, puis-je en conclure que cette rencontre est terminée ? » fis-je en décrispant la mâchoire, ignorant volontairement sa référence à ma mort dans ma jeunesse.

« Ce serait vraiment.. dommage que quelque chose de regrettable doive se passer. Pour vous comme pour moi. » terminais-je.

Sans attendre de réponse, je prenais ma forme de dragon et partit m'enfoncer dans la forêt pour laisser exploser ce brasier qui consumé mon calme et ma patience. Il n'était pas dit que mes pas suivraient le chemin tracé par les dieux, jamais.

HRP: