Visite diurne pour une transaction banale, normalement...

[Dans l'épisode précédent by Alfrat : Visite nocturne]

Voyageurs, vagabond, paysans. Peu importait, il y avait pas mal de monde qui étaient entrés en ville en même temps qu’elle et elle n’avait pas besoin de deviner pourquoi vu le brouhaha qui lui lancinait les oreilles. Lyana fit une grimace, mais essaya de ne pas trop se concentrer sur les sons pour ne pas souffrir. Surtout qu’elle comptait aller au milieu de l’agitation. Elle avait plusieurs projets et comptait bien en résoudre quelques-uns ici avant d’aller vers le pays Gemnikaä. L’elfe suivit la foule, s’habituant peu à peu aux sonorités. Elle s’arrêta au niveau devant une échoppe et sortit de la foule pour entrer dans la boutique, quelques minutes plus tard elle ressortait, délestée de quelques pierres précieuses revendues à l’enchanteur. En voyant l’agitation du dehors elle choisit d’attendre que cela se calme et s’isola dans un coin tranquille de la ville.

Quelques courtes heures plus tard la foule avait diminué assez pour pouvoir se déplacer sans être bousculé, aussi elle repartit, coupant à travers les petites rues moins peuplées, vers le marché. Là elle observa les échoppes avec un sourire. Il y avait toujours énormément de monde, mais au moins on pouvait circuler. Avançant, elle s’arrêta devant un enclos où un marchand vendait des chevaux. Elle observa rapidement les bêtes avant de poursuivre. Elle ne s’occuperait de cela que plus tard. Peut-être.

L’elfe s’arrêta devant un marchand d’étoffes et se passa une main dans les cheveux, ignorant royalement les regards qui se tournaient vers elle. Une elfe dans une ville humaine était surprenant, encore plus lorsqu’elle avait un manteau sur le dos, qu’elle était lourdement armée, qu’elle portait une tunique qui laissait son ventre visible et qu’elle avait la peau aussi sombre. Sans compter ses cheveux blancs tressés dans son dos. Mais elle s’en moquait, son regard rouge sondant les couleurs des étoffes, fouillant un peu pour chercher ce qu’elle voulait. Et elle avait une idée bien précise de la chose. Lyana entendit quelqu’un approcher de l’étale, même à travers la cohue, une odeur particulière. De fleurs.

Je n'ai pas de parole, pourtant, cette

fois-ci, je vais tenir ma promesse.

Depuis la "visite" -ce terme n'est pas vraiment approprié- d'Alfrat, Neat' n'était pas très... enfin comment dire... Beaucoup, plus méfiant que d'habitude ? Oui c'est cela. Il ne faisait plus confiance à personne, il avait beaucoup trop peur de se réveiller en pleine nuit, un elfe à la peau hâlée au -dessus de son lit, arborant un sourire malfaisant avant de lui enfoncer une lame dans le torse. La douleur aigue, l'impression de mourir noyé dans son propre sang... Il en faisait d'atroces cauchemars à l'ambiance glauque. Sa chambre elle-même, était devenu un lieu où il n'aimait pas se rendre. C'est tout juste s'il ne dormait pas sur la banquette de son grand salon entouré par ses soldats d'élite. Jamais avant ce jour il n'avait autant ressentit la peur de mourir. Et il avait beau être un dragon, quelque chose lui disait qu'il était incapable d’abattre cette créature. Et pire encore, que s'il s'envolait pour fuir, il le retrouverai, quelle que soit la distance qu'il tenterait vainement de mettre entre-eux.

En très gros, ils psychotait de manière assez violente. Le Duc n'avait jamais été une personne digne de confiance, ça c'était assez rependu. Il était plutôt connu pour son côté extrêmement frivole et tête en l'air, alors qu'il n'était rien de plus qu'un fainéant égoïste. Pourtant, là, il était particulièrement décidé à ne pas défaillir. Comme quoi, l'intimidation peut faire marcher la plus grande partie des êtres vivants, il suffit juste de trouver le bon bouton...

La sachant dans la ville, il était sortit de son manoir, une grande capuche noire sur la tête, allant presque jusqu'à recouvrir ses yeux. Vêtu de guenilles. Il serait idiot d'être identifié dans la rue comme étant le Duc de la Noria par les foules, autrement son approche auprès de la demoiselle ne pourrait pas avoir l'air d'être un hasard. Elle se douterait qu'il était venu pour elle et pas pour le marché, et ça, il ne voulait pas qu'elle le sache, absolument pas...
Il ne fut accompagné par personne jusqu'à la ville et par crainte d'être soupçonné de venir de la bâtisse, il s'arrangea pour venir dans la ville par l'est et non pas par le nord.
C'est alors que commença son investigation, longue, très longue, mais il n'abandonna pas. Il devait la trouver et se lier avec elle l'incitant à rester avent qu'elle ne parte. Lui faire croire, comme avec toutes les autres, et ensuite la briser en milles morceaux, pour éviter de perdre la vie pour ne pas avoir tenu parole...

Quand il la repéra enfin, ce fut près d'une étale de vêtements. Il n'hésita pas un seul instant, il n'en avait pas l'occasion. Il s'approcha, mit la main dans les tissus, faisant mine de les examiner. Alors qu'il savait très bien qu'aucun d'entre eux n'était de la soie rien qu'en les regardant. Mais il n'était pas là pour arrêter un escroc... Il fit mine de s'en aller, rentrant dans un homme qu'il avait repéré, poussé contre l'elfe à l'allure si particulière. l"agresseur" continua son chemin comme si de rien était, comme s'il ne l'avait même pas remarqué tandis que Neat' se retourna vers la femme, tout désolé. Il s'empressa d'épousseter ses vêtements, s'excusant encore et encore.

▬ Pardon ! Vraiment ! Je ne voulais pas... il m'a, enfin j'ai... pardonnez-moi ma ptite dame ! Pitié ! Ne me faîtes pas de mal !

Il lui tendit une pièce de cuivre sale, s'agenouillant à même le sol avec un grimace de profond dégoût cachée par sa capuche. Les mains sur le sol, il n'avait qu'une envie, vomir, furieux de s'auto-humilier de la sorte.
Ayant vu maintes fois ce comportement il était capable de le reproduire. De plus avec ses vêtement atypiques, on pouvait facilement penser que l'elfe était excentrique et donc riche.

▬ C'est tout c'que j'ai ! Pitié, ayez pitié ! Ne me faîtes pas de mal !

Lyana réfléchissait à s’éloigner, elle ne trouvait pas les couleurs qu’elle souhaitait, quand le vagabond qui venait de s’approcher la bouscula. Elle ne fit qu’un pas, avant de trébucher et tomber. Normalement elle n’aurait pas dû, mais une pierre mal enchâssée dans le pavage lui avait fait perdre l’équilibre assez pour qu’elle chute. Elle n’eut que le temps de se relever qu’elle se faisait épousseter par l’inconnu vêtu de haillons. Elle fronça légèrement les sourcils en songeant qu’il essayait peut-être de lui voler sa bourse, mais il s’excusa précipitamment en ajoutant d’une voix geignarde de ne pas lui faire de mal. L’elfe haussa un sourcil, expression qui s’accentua lorsqu’il s’agenouilla devant elle. D’accord… Quelque chose sonnait faux. Mais quoi ? Elle lui prit la main délicatement pour le relever.

Lui pouvait sentir qu’elle avait la peau parfaitement entretenue malgré l’attirail qu’elle avait. Merci la régénération qui empêchait d’avoir des cales à force de manier les armes. Et elle pouvait sentir qu’il n’y avait rien, pas un défaut sur la peau, des mains trop bien entretenues. Éveillant sa méfiance ce premier constat en amena d’autres. Des vêtements propres malgré leur aspect usé. Et ce parfum de fleur. Quelle personne pauvre pouvait se permettre d’être aussi bien soigné. Elle ne savait cependant comment réagir, une part d’elle avait envie de lui extorquer la vérité, une autre modérait la première pour proposer d’adoucir ses propos. L’elfe choisit la seconde option et se contenta de fixer l’homme tandis qu’il se relevait.

-J’ai rarement vu personne pauvre arborer autant d'indices montrant la richesse… Me cherchiez-vous sire ?

Elle croisa les bras, l’air paisible, peu hostiles, ses yeux rouges braqués sur ceux de l’inconnu sous la capuche. Lyana avait aussi parlé d’une voix posée, mélodieuse, assez agréable d’ailleurs. Celle d'une elfe en somme. Bien qu’il n’y ait que très peu de respect dedans. Juste ce qu’il fallait pour être polie avec n’importe qui a n’importe quel grade de la société, mais pas assez pour montrer un profond respect dû à un rang quelconque. Car le fait était là, elle n’en avait pas, pas de servitude, pas de maître, pas de supérieur ou tout du moins pas en face d’elle. La même assurance qu’Alfrat, mais différente. Elle semblait moins prête à tirer l’épée, mais restait dangereuse. Et elle semblait ne rien craindre puisqu’en croisant les bras elle se privait de sa liberté de mouvement et la possibilité de tirer une de ses lames.

Démasqué en quelques secondes ?!

Étonnamment, car il ne s'y attendait pas, elle l'aida à se relever. Il ne pouvait pas prévoir une chose pareille parce qu'il n'aurait jamais fait une chose semblable. Sauf s'il était sûr d'y gagner quelque chose, et encore, il préférait de loin garder les mains propres. Alors... pourquoi faisait-elle cet effort ? Il n'en avait strictement aucune idée et il s'en moquait. Il aurait sans aucun doute le temps de se poser la question quand il l'aurait tuée, quand sa vie ne serait plus menacée par un elfe d'il ne savait plus qu'elle population disparue...

Il ne fut pas bien long à comprendre, il était buté, mais pas suffisamment stupide pour ne pas voir l'évidence. Il était repéré, grillé, remarqué... il avait raté alors qu'il venait à peine de commencer. Alors qu'il avait prit d'affreuses précautions, tout ceci n'avait servit à rien. Il aurait pu s'estimer heureux s'il avait au moins tenu quelques heures, ou même quelques minutes ! Mais non, même pas quelques secondes... Un score pitoyable.
Malgré tout, la voix de sa victime qui devenait son interlocutrice, ne paraissait pas méfiance ni même agressive. Elle était étrangement chantante, bien que froide et strictement cordiale. Il n'en demandait pas plus de toute façon. Il aurait été fou de rage si elle s'était mise à rire ou que savait-il encore ?
Les bras croisés, on ne pouvait pas dire qu'elle semblait très ouverte au dialogue, étant donné que c'est une position que les gens prennent quand ils se sentent menacés ou qu'ils ont des choses à cacher. Si ça pouvait la rassurer, Neat', bien qu'il ne lui dise pas, n'avait pas non plus envie de faire connaissance. Ma sa vie étant en jeu, étant donné qu'il devait l'échanger pour garder la sienne il était contrait de passer par là.
Pendant quelques secondes, il se demandait, si elle se doutait de ce qui risquait de lui arriver... Ça aurait été étonnant, il aurait fallut qu'elle soit capable de lire dans les esprits, comme il le faisait allègrement avant d'endurer d'atroces migraines.
Il arbora un léger sourire, légèrement contrit, où il ne parvint pas à cacher une sorte de malaise, mêlé à une vague d'agacement. Décidément, ce n'était pas son jour. Il chuchota :

▬ Vous chercher ? Est-ce mon accoutrement qui vous fait penser cela ? J'essaye simplement de me fondre dans la foule et cette comédie... me permet juste de ne pas être identifié voyez-vous ? Au vu de votre beauté, je suis certain que vous me comprenez. Je vous remercie de m'avoir relevé, bien que mon déguisement ne vous ait pas bernée, vous êtes très aimable. Puis-je vous offrir à boire en compensation ? Pour me faire pardonné de vous avoir ainsi bousculée.

Lorsqu’il lui répondit elle sourit intérieurement de ne pas s’être trompée, mais également quelque chose la fit tiquer très légèrement, toujours en esprit, qui éveilla un sentiment qu’elle n’avait pas éprouvé depuis un bon moment. La curiosité ? Non il ne s’agissait pas de ça. Elle était intriguée voilà, avec une pointe de quelque chose qui faisait que son instinct lui murmurait de se placer sur la défensive et faire attention. Sachant qu’il ne l’avait jamais trahi, elle décida d’écouter les signaux de ses réflexions automatiques inconscientes, mais ne rien laisser paraître. Ainsi elle ferait croire qu’elle goberait les excuses, si ça n’en était pas, de son interlocuteur et le ferait peut-être se trahir. Si jamais il n’était pas dangereux, à agir ainsi elle ne risquait rien. Elle attendit qu’il ait fini sa tirade pour chercher ce qu’elle devait lui répondre. Toujours avoir tous les éléments, c’était essentiel.

Sa beauté hein. Elle avait eu beaucoup de mal à rester impassible. Cet homme avait-il, comme beaucoup d’autres, l’instinct de survie d’une huître ? Le cas contraire il se serait enfui en courant. Bon certes elle se savait attrayante aux yeux de bien des humains et non humains, mais elle savait aussi que peu de gens pouvaient croiser son regard de lave lorsqu’elle les foudroyait du regard. Certes pour leur tel n’avait pas été le cas et tant mieux pour lui, cela signifiait qu’il n’avait rien fait pour s’attirer son courroux. Elle s’inclina légèrement en un semblant de révérence pour marquer sa politesse, mais presque seulement pour se plier à un quelconque protocole qu’elle méprisait visiblement vu la façon dont elle avait bâclé son mouvement. Elle n’avait jamais rien eu contre l’idée de boire, que ce soit de l’alcool ou quoi que ce soit d’autre. Et cet homme l’intriguait un peu, son instinct continuait de le lui murmurer doucement.

-Avec plaisir. Je vous laisse le choix, vous devez connaître la ville mieux que moi.

Elle n’aimait pas se plier aux règles des autres pays, mais il le fallait bien, donc elle faisait l’effort de le vouvoyer. L’elfe le suivit tranquillement vers le lieu qu’il avait choisi, autour d’eux le décor changea rapidement, passant des quartiers modestes à ceux de la haute société. Lyana savait qu’ici se trouvait les plus riches artisans et marchands. Elle entra lorsqu’il lui ouvrit la porte. Quelqu’un de riche et maniéré. L’ancienne garde s’arrêta brièvement sur le pas de la porte, de saisissement. Très rapidement elle se retrouvait soudain à une autre époque, bien avant, où elle avait accompagné sa reine dans un lieu similaire transpirant le luxe. Clinquant, c’était le mot qui devait convenir. Elles avaient rejoint un grand seigneur humain dans le même genre de pièce. Une époque encore joyeuse. L’elfe se reprit, pas assez rapidement pour qu’une ombre ne soit passée sur son visage et qu’un frémissement presque imperceptible n’ait secoué ses muscles. Décidée elle chassa Alfrat et la haine qu’elle avait pour lui et ce qu’il avait fait, au fond de son esprit. Elle alla s’asseoir à la table que proposa son interlocuteur. Le visage de l’elfe à nouveau impassible et dépeint d’une tranquille politesse. Avait-il aperçu l’éclat de haine et de douleur fugitif qui lui avait embrasé le regard ? Elle espérait que non. Pour anticiper à toute question à ce sujet elle prit les devants.

-Dites-moi sire, quelle est l’utilité de vous cacher… hum… subtilement ainsi ?

Soyons naturel

Elle executa une pirouette rapide et non-achevée comme si elle faisait ce mouvement par obligation. La fluidité cependant, affirmait que ce n'était pas sa première fois, loin de la même. Ce qui eut le don d'intéresser Neat'. Qu'elle place avait-elle autrefois dans la société ? Il serait aisé avec un si joli visage de gravir les échelons, pourquoi ne sentait-il pas ce genre d'ambitions en elle ?

▬ Avec plaisir. Je vous laisse le choix, vous devez connaître la ville mieux que moi.

Il fut presque soulagé qu'elle lui ait laissé le choix. Il pourrait ainsi lui parler sur un terrain qui était le sien, dans lequel il se sentait à l'aise, à un endroit où il avait déjà posé ses marques. Dans son esprit, le choix du lieu fut vu en un clin d'oeil.
Il la guida sans un mot vers un café. Maintenant qu'il lui avait plus ou moins révélé sa position sociale, il pouvait aisément l'emmener partout sans que ça lui paraisse trop choquant. Du moins, il l'espérait. Ses erreurs précédentes paraissaient presque sans aucune importance désormais, comme s'il était délivré.
Une fois arrivé il lui ouvrit la porte, lui tira sa chaise... un parfait gentleman. C'était le minimum syndical pour être aussi haut perché que lui, c'était même devenu plus qu'une habitude, un réflexe. Il se rendit compte que, maniéré comme il était, sa couverture n'aurait jamais tenue de toute façon. Il se sentait stupide de ne pas y avoir songé auparavant. Il était tellement concentré sur sa propre personne -pour ne pas trop faire dans l'original- qu'il ne perçut pas le malaise passager de son invitée.

▬ Dites-moi sire, quelle est l’utilité de vous cacher… hum… subtilement ainsi ?

Son "subtilement" avait une place bien ironique dans sa phrase. Il était orgueilleux mais pas sourd, il avait bien compris qu'il avait été très mauvais ! Et de toute façon, tant mieux, il espérait ne jamais recommencer... Il retira sa capuche et se recoiffa convenablement histoire de ne pas faire tâche, juste excentrique aux yeux des autres riches assez peu nombreux. Il sourit à la demoiselle, rit quelque peu assez nerveusement, gêné.

▬ Pas de formalités voyons, l'étiquette ne nous sied guère ainsi vêtus. Et puis, il est plus amusant d'être détendu et soit même. Appelez moi Link ou Oz, comme vous préférez ! Et vous ? M'autorisez-vous à vous tutoyer et à employer le nom par lequel l'on nomme la belle demoiselle que vous êtes ?

Il répondit ensuite, après avoir passé un peu de pommade plus ou moins sincère :

▬ Vous n'êtes pas sans savoir que les personnages riches sont souvent la cible d'assassins ou de voleurs. Je me dissimule ainsi pour avoir la paix et la tranquillité au moins pendant quelques heures tout au plus. De plus, j'aime quitter ma demeure à la recherche d'un peu de liberté et d'aventures, c'est toujours surprenant et amusant ! Et vous ? Si ce n'est pas indiscret bien entendu !

Lyana continuait de l’observer, un peu étonnée qu’il lui demande d’abandonner l’étiquette à cause de leurs vêtements. Soit s’il le souhaitait. Elle n’aimait de toute façon pas l’étiquette. Mais ne radotons pas. Elle le regarda attentivement tout en l’écoutant, essayait-il de la flatter pour l’approcher et si oui, pourquoi le faisait-il ? Bien qu’elle gardât ses questionnements dans sa tête et que son visage ne reflétait pas ses pensées. Elle s’installa tranquillement, l’air détendue. Si elle voulait savoir elle devait lui prouver qu’elle n’était pas méfiante.

-Je m’appelle Lyanëael, mais vous pouvez m’appeler Lyana.

À cause des voleurs ? Non ce n’était pas crédible. Il y avait une autre raison parce qu’elle était presque certaine qu’il l’avait abordé de façon peu discrète, mais soit, elle allait faire semblant de n’avoir rien remarqué à ce sujet et puis elle avait des doutes au sujet de sa sincérité. Certes l’excuse se tenait, mais elle avait tout de même de la méfiance à l’égard et préférait rester prudente. En tous les cas elle pouvait probablement lui dire sans danger ce qu’elle voulait faire puisque cela n’avait rien de compromettant. Elle sourit donc avec politesse tandis que la serveuse s’approchait d’un pas discret, pas assez cependant pour échapper à l’ouïe fine de l’elfe et ce malgré le murmure des conversations de cet endroit tranquille.

-Quant à ce que je fais ici… Eh bien ça va vous paraître étrange, mais je cherche une étoffe rouge, une nuance bien précise ainsi que des fils dorés. Et un bon cheval, mais ça j’y ai simplement jeté un coup d’œil pour le moment, aucun n’a attiré mon regard particulièrement quand j’y suis passé, mais je peux avoir raté quelque chose. Mon but étant de refaire une bannière que je possédais fut un temps.

Une bannière oui, qui était restée gravé dans l’esprit de Lyana tant elle l’avait contemplé avec fierté. Un symbole pour sa ville et de quoi montrer au monde entier que les elfes de feu n’était pas encore mort, qu’ils étaient toujours là. Qu’elle était présente et qu’il faudrait compter avec elle.

Les yeux incandescents de l’elfe, quoiqu'ils soient posés sur son interlocuteur, ne semblaient rien manquer. La serveuse, derrière le dénommé Oz, si du moins c’était son nom véritable, hésitait à s’approcher de la table en voyant l’accoutrement des deux. Et ce n’était probablement pas dû aux vêtements élimés du pseudo mendiant ou ceux de la voyageuse, mais plutôt les poignées des deux lames jumelles qui pendaient à sa taille. Sans compter son carquois et son arc, ainsi que les dagues, il y avait de quoi faire reculer le plus avisé des hommes. Même si certains avaient l’instinct de survie d’un troupeau de lemming et essayaient tout de même de détrousser la femme. L’ancienne militaire adoucit un peu son visage pour paraître plus engageante et que l’humaine daigne approcher d’eux pour prendre commande.

-Heu… excusez-moi de vous déranger… Vous voulez quelque chose ?

Lyana quitta Oz des yeux pour jeter un œil à la liste des boissons, elle hésita une fraction de seconde, puis demanda à la femme un thé, ainsi qu’une pâtisserie. Elle ne s’était pas arrêtée en chemin et n’avait pas mangé de vrai repas depuis presque vingt-quatre heures, même si elle pouvait encore tenir, elle préférait profiter de l’occasion pour s’accorder une pause. Après tout Alfrat avait attendu des siècles, il attendrait encore un peu. Oz n’avait pas l’air méchant et l’attention de l’elfe se relâchait un peu, involontairement, au fil de la discussion, bien que cela se voyait à peine à moins de faire attention. La serveuse se tourna vers l’homme pour s’enquérir à son tour de ce qu’il voulait.

Une belle occasion à ne pas manquer.

▬ -Je m’appelle Lyanëael, mais vous pouvez m’appeler Lyana.

Un surnom ? Il ne s'y attendait pas, mais curieusement il se mit à penser qu'elle s'ouvrait peut-être un peu, bien que ce soit drôlement rapide : beaucoup plus que ce qu'il avait prévu. Ou alors, elle le piégeait ? Se doutait-elle de quelque chose ? Il espérait que non. Elle sourit, d'une façon tout à fait cordiale, ce qui confirmait qu'au final elle était juste sympathique et ne prenait pas plus confiance que cela. Ce qui était rassurant, étant donné qu'elle n'avait pas l'air d'être du genre à vouer sa confiance à n'importe qui. Et c'était tant mieux pour elle, parce que sinon elle n'aurait pas vécu longtemps... Au niveau de la méfiance, Neat' était sûr qu'il saurait s'entendre avec cette demoiselle, c'était sans doute un point commun fort, en émettant l'hypothèse qu'elle était à peu près aussi paranoïaque que lui...
Il ne remarqua pas la serveuse qui s'était discrètement approchée, elle était beaucoup trop loin et il était beaucoup trop concentré sur son jeu d'acteur, qui n'était pas des plus mauvais avouons-le, mais qui était aussi imparfait. Car après tout, même s'il était expérimenté, il mimait un personnage qu'il n'était pas, essayait d'imaginer une façon de penser qui n'était pas la sienne, rien de très aisé et de très amusant, mais il était obligé. Autrement, elle ne lui accorderait peut-être même pas un regard ou saurait tout de suite où il voulait en venir.

▬ Quant à ce que je fais ici… Eh bien ça va vous paraître étrange, mais je cherche une étoffe rouge, une nuance bien précise ainsi que des fils dorés. Et un bon cheval, mais ça j’y ai simplement jeté un coup d’œil pour le moment, aucun n’a attiré mon regard particulièrement quand j’y suis passé, mais je peux avoir raté quelque chose. Mon but étant de refaire une bannière que je possédais fut un temps.

Une étoffe rouge ainsi que des fils dorés ? Pour refaire une bannière qu'elle avait possédé ? Très intéressant... Neat' supposait ainsi qu'elle devait faire partit d'une famille de haut rang, ou d'un corps d'armée, car ils étaient les seuls à pouvoir brandir une bannière pour la représenter, ou en posséder une. Il fut surpris de cette perche que lui tendait nonchalamment le destin, à moins qu'elle ait inventé un mensonge en moins de deux, ce qui n'était pas envisageable. Car tout ceci, c'était à sa portée. Il pouvait aisément acheter ce qu'elle désirait, le possédait peut-être déjà. Il pouvait engager les meilleures couturières et les meilleures tisseuses pour réaliser l’œuvre désirée par la jeune femme... Un cheval, rien de plus facile à fournir pour une personne de son rang, il en avait tellement dans ses écuries, dont certains qu'il n'avait même encore jamais vu... Mais pouvait-il se permettre de lui faire une telle offre sans paraitre étrange, déplacé ou même en train de la séduire ? Il ne la connaissait pas suffisamment pour prévoir sa réaction, et craignait de la perdre alors qu'il avait réussi à entamer une conversation, bien que ce ne se soit pas passé comme prévu... Enfin, ne nous attardons pas sur ces détails.
Il ne réalisa que quand Lya posa une question, qu'une femme, sans doute une serveuse, hésitait à s'approcher des deux énergumènes qui ne devaient pas faire très réglementaires.

▬ Heu… excusez-moi de vous déranger… Vous voulez quelque chose ?

Elle finit par s'approcher, encouragée par le visage de l'elfe s'étant agréablement radoucit. Elle passa commande, le Duc en fit de même. Il ne prit pas grand chose d'extravagant, n'avait pas d'envies particulières. Il fallait dire qu'il avait largement le temps de s'adonner à ses caprices sans compter ce qu'il pouvait dépenser, alors pour une fois que la gourmandise ne le saisissait pas à la gorge comme un animal avide de chair... il passait son tour. La serveuse s'en alla vers les cuisines sans nul doute, laissant le champs libre à Underneath qui se saisit de l'occasion pour proposer son aide à son interlocutrice. Il afficha un grand sourire, comme ravi de pouvoir lui venir en aide d'une quelconque manière, ce qui était à moitié vrai.

▬ Qu'elle coïncidence Lya ! J'ai à ma disposition, tout ce dont vous avez besoin. Je peux, si vous le désirez, vous le fournir rapidement et vous assurer des matières et une monture de qualité ! Si vous le désirez, je peux aussi vous fournir un gîte, à boire et a manger. Tout ceci, sans contrepartie, il en va de soit. J'aurai juste une petite faveur à vous demander en échange. Voyez-vous, je ne voyage pas beaucoup, je n'en ai pas vraiment l'occasion, pourtant, découvrir le monde à toujours été une sorte de rêve... Accepteriez-vous de me conter quelques histoires ? De me décrire quelques paysages qui parsèment notre monde ? Ce serait un tel ravissement !

Il leva légèrement le ton, comme emporté par un enthousiasme grandissant. Comme si son cœur battait avec la passion qui semblait l'enivrer. Mais qu'en était-il réellement ?
© By Halloween sur Never-Utopia

L’elfe attendit que la femme s’éloigne pour reporter son attention sur l’homme. Oz avait semblé attendre la même chose puisqu’il profita de l’absence de la serveuse pour faire une longue tirade sur le fait qu’il pouvait lui obtenir quelque chose. Il était donc bel et bien riche et peut-être même haut placé, voire très haut placé. Lyana fixa son interlocuteur longuement après qu’il eut fini, ses yeux couleur flamme cherchaient chez son vis-à-vis un indice quelconque sur une duperie. Elle continuait de se méfier un peu de lui, sans pourtant pouvoir se l’expliquer. D’un autre côté elle était toujours méfiante de nature, même si elle le montrait peu. Ou plutôt prudente.

Ne flairant pas de duperie, elle hésitait cependant encore un peu. Il acceptait de l’aider contre des histoires . Elle avait déjà vu des personnes candides au point de faire ce genre de marché mais… Non à son ton il ne mentait pas et elle n’arrivait pas à le deviner à son regard. Peut-être qu’il annonçait simplement une demi-vérité ou simplement était sincère. L’elfe de feu soupira très légèrement en se passant une main dans les cheveux. Elle venait visiblement d’abandonner ses derniers doutes, du moins en apparence puisqu’une part d’elle-même restait constamment sur ses gardes.

-Entendu, si cela peut vous faire plaisir.

Elle détourna légèrement son regard d’Oz lorsque la serveuse revint avec la commande de Lyana, l’elfe de feu resta immobile avec un air tranquille pour ne pas mettre mal à l’aise l’humaine, mais il était évident pour son interlocuteur qu’elle surveillait ses moindres faits et gestes. L’ancienne capitaine des gardes commença tranquillement à manger avec un sourire presque enfantin qui raviva un peu de l’éclat de son regard. Elle se comportait comme une femme de la haute société et non pas une barbare sans nom comme pouvait le faire penser son accoutrement. Mais après tout n'était-elle pas une elfe, capitaine de la garde et n'avait-elle pas pour obligation de se conformer à l'étiquette royale ? Malgré tout il restait chez elle une réserve qui témoignait de son entraînement martial, une sorte de force dans ses gestes et son attitude générale, qui ne faisait que souligner sa bien séance.

Quoi qu'il en soit, voilà longtemps qu’elle n’avait pas mangé et ne s’était pas détendue, à force de parcourir le monde dans une traque mutuelle infernale et qui semblait sans fin. Mais voilà que cet homme, Oz, lui fournissait un prétexte idéal pour marquer une trêve à sa poursuite et lui permettre de se ressourcer un peu. Même si elle avait d’autres projets pour l’heure et aurait préféré pouvoir complètement se relâcher chez la seule personne en qui elle avait confiance : Azelma, elle devait aller voir la gardienne d’ailleurs une fois qu’elle aurait trouvé ce qu’il lui fallait. Mais avant la bannière et une monture, ensuite il lui faudrait autre chose.

Lyana avait pris, pendant ses réflexions, une mine un peu rêveuse et lorsqu’elle en arriva à la conclusion de ses pensées un petit sourire victorieux étira ses lèvres. Elle cligna brièvement des yeux et son visage reprit un masque d’indifférence. Les changements avaient été infimes, mais assez pour être visibles et à présent elle était à nouveau presque inexpressive, bien que toujours détendue.

Bienvenue, en mon "humble" demeure

▬ Entendu, si cela peut vous faire plaisir.

Son ton, bien que non désinvolte laissait entendre une sorte d'approbation... comme si elle se faisait désirer. Neat' n'aimait pas beaucoup la façon dont elle prononça ses mots, mais passa l'éponge sur ce détail. Elle avait dit oui, qu'importait qu'elle soit ou non quelque peu orgueilleuse ou juste une femme... ~~Oui le duc est sexiste, si jamais vous ne l'avez pas encore remarqué...~~ Quand la serveuse revint avec les plats commandés, le duc attendit une nouvelle fois qu'elle s'en aille avant de faire la conversation à Lya. Il n'aimait pas les oreilles indiscrètes, même quand il racontait des choses totalement futiles et sans importances. Il parla de la pluie et du beau temps. De la forme des nuages, de la couleur des rues, de l'allure des fenêtres de la propreté de la table, du verni des chaussures... Il parla mode, plantes, contrées lointaines, légendes, contes pour enfants... Enfin vous l'aurez sans doute compris, il alimenta une conversation plus ou moins variée pour trouver ce qui plairait à son interlocutrice. Quand il vit la mine presque... presque innocente et ravie de sa compagne -ce qui ne dura que quelques secondes à peine- il eut l'impression d'avoir remporté quelque chose. Impression qu'il chassa bien vite de peur d'arborer un sourire d'enthousiasme malsain. Il n'avait pas très envie de se faire griller une nouvelle fois, et par négligence qui plus est... Doué comme il était... n'est-ce pas...

Quand il eut vérifié qu'elle avait bel et bien finit sa collation -il l'attendait depuis un moment déjà, mais ce n'était pas gênant ou nouveau pour lui- il appela un employé du café, et le paya, rajoutant un joli pourboire afin qu'il ne parle à personne -et fasse passer l'information et l'argent à ses collègues- de la venue du Duc de la Noria dans la capitale. Il tira la chaise de l'elfe, et lui ouvrit la porte. Il ne lui prit pas le bras parce qu'il n'était pas tout à fait en visite officielle et ne voulait pas abîmer ses vêtements avec sa cape crasseuse, qu'il enfila avant de sortir. Il la guida nonchalamment à travers la ville, avec une sorte de sourire niais qu'il aimait arborer quand il ne pensait à rien de précis. Le plus dur était derrière lui. Maintenant, il profitait d'une sorte de paix relative et limitée dans le temps. Il montra à la jeune femme certains endroits incontournables qu'il jugeait intéressant et absolument obligatoire à avoir vus au moins une fois dans son existence. Il se promit de lui faire un tour complet de la ville une fois qu'il serait mieux vêtu. Et quand il ferait beau, oui, quand le soleil daignerait montrer le bout de son nez en ramenant avec lui les fleurs et le vent du printemps ♥... Enfin bref...

Il l'amena au Manoir de la Noria, manoir qui appartenait à la famille Eutrope depuis 2 générations seulement (le seul membre de la famille existant réellement n'était autre que Oz), bien que tous les papiers aient étés falsifiés par Underneath pour qu'il lui -leur- appartienne depuis au moins 50 générations. Il n'était pas peu fier de son acquisition, il avait vraiment eu beaucoup de mal à l'obtenir. A chaque fois qu'il voyait cette immense grille en fer forgé, ces jardins tout autour, ces murs, cette porte massive et sculptée de toutes parts... ils ne pouvait s'empêcher d'être bêtement heureux. Il retint un sourire, car après tout, dans son rôle, il avait toujours possédé cette demeure et n'avait jamais rien connu d'autre. Ce qui étais totalement faux, il connaissait parfaitement la sensation de dormir sur le sol et de travailler comme un forcené pour survivre... Mais tout ceci, il préférait l'oublier. Il secoua la tête comme pour chasser ces pensées impures de son corps.

Quand il se présenta devant la grille, deux hommes en armure se présentèrent et les menacèrent de leurs épées. Furieux de ne pas être reconnu par ses propres hommes, il les bouscula et entra après avoir enlevé le capuchon de sa figure, veillant bien à ce que Lya le suive. Qu'elle bande d'incapables !
Il traversa le jardin sans s'attarder cette fois-ci, mis en colère par son personnel qu'il ferait en sorte de renvoyer. Même pas capable d'empêcher qu'un assassin s'infiltre dans sa propre chambre et infichus de reconnaitre leur Seigneur... il y en avait plus qu'assez.
Il entra enfin chez lui. Le majordome, s'approcha de lui toujours avec cet air calme, posé, serein voir même doux et rassurant. Il répondait au nom de Christopher. Quand celui-ci lui chuchota quelques mots, il soupira, délaissant quelque peu Lya pendant quelques secondes pour donner diverses instructions aux domestiques qui se précipitaient déjà pour que tout soit fait selon ses ordres. Oui décidément, il aimait quand tout se passait ainsi et pas autrement, pas comme ce qui était en train d'arriver. Il conduisit sa compagne dans l'un de ses salons, le plus luxueux et le plus grand, mais surtout, celui qui faisait partie intégrante d'une chambre à la façon d'un appartement à lui tout seul. Histoire qu'elle ait de l'espace, un endroit où se reposer, où manger, où se laver tout ceci en une seule aile pour éviter qu'elle ne se balade trop et qu'il ait ensuite du mal à la retrouver dans cette immense demeure.

▬ Excuse moi Lya, j'ai quelques choses à arranger, il s'est passé des tas de choses en mon absence et il faut que je répare les pots cassés. Si tu as besoin de quoique ce soit, il suffit de demander aux domestiques ou à Christopher, mon majordome. Je me hâte, n'hésite pas à faire comme chez toi, je vais revenir plus présentable et avec les étoffes que tu as demandées.

Fit-il avant de lui donner un baise-main léger comme un papillon. Il se retourna et s'en alla d'un pas calme mais rapide, la laissant en compagnie du seul à qui il avait une confiance et une foi aveugle. Il avait suffit de quelques heures, d'à peine quelques heures pour... il exploserait de colère quand il serait certain que sa future victime ne pourrait pas l'entendre. Et dire qu'il avait presque apprécié la journée, il fallait qu'elle se déroule de la pire des façons ! Un meurtre entre femmes de chambres dans sa propre maison ! Horreur...

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L’elfe suivit Oz, à défaut d’être sincèrement intéressée par la visite de la ville, elle regarda tout de même avec une curiosité polie ce qu’il lui dévoilait. Au moins cela détournait son attention et faisait passer le temps. Lorsqu’ils approchèrent du manoir, l’ancienne capitaine ignora royalement l’altercation entre son interlocuteur et les gardes, elle observait les jardins à travers la grille. Elle suivit cependant Oz, remontant l’allée vers le manoir. Elle eut soudain envie de parcourir les chemins fleuris, mais n’en fit rien. Laissant le seigneur pester contre ses hommes, elle remarqua quelqu’un s’approcher et écouta distraitement le murmure, qu’elle comprit bien évidemment, même si elle n’y prêta pas plus d’attention que cela. Lyana observa ensuite le lieu où la conduisit Oz, vaste, beaucoup trop pour sa simple condition, richement meublé, avec tout ce qu’il fallait pour se sentir comme un chat de salon. Sauf que l’elfe n’en était pas. Elle s’inclina légèrement cependant lorsqu’il s’excusa, décrétant avoir des choses à faire.

Une fois seule elle retira ses deux baudriers et son carquois pour les poser dans un coin de la pièce, elle fit quelques pas vers la chambre pour y jeter un œil et admira brièvement un tableau d’un paysage, puis elle revint dans le salon pour laisser courir son regard tout autour d’elle. Des objets de collection, des tapis, des meubles. Elle laissa glisser un doigt sur une arme de collection au-dessus d’une porte. L’elfe sourit, ce type était un grand collectionneur visiblement, puis grimaça quand elle entendit les éclats de voix venir de l’autre bout du manoir. Elle préféra se réfugier dans la salle de bain et vit un domestique en train de préparer l’eau. Elle lui fit signe de sortir sans un mot avec un regard noir et il préféra ne pas discuter avec l’ancienne garde. Cette dernière retira ses vêtements une fois seule, remplit la baignoire, immense et en marbre probablement, d’eau froide, puis elle s’y glissa, se laissant couler sous la surface quelques instants. Cela ne la changeait pas de ses bains lorsqu’elle était sur les routes, la température ne la dérangeait pas. Le silence relatif qu’il y avait sous l’élément liquide réussi enfin à faire taire, pendant un temps, ses pensées.

Elle finit cependant par remonter à la surface et se savonner avant de finalement sortir de l’eau pour se sécher et remettre des vêtements. Elle prit ceux dans sa sacoche, soigneusement pliés et propres et les enfilait avant d’aller ouvrir la fenêtre et commencer à se démêler ses cheveux blancs en regardant les jardins. Elle les laissa ensuite sécher au vent, assise sur le rebord, l’air rêveur et peut-être un peu triste. Elle avait revêtu ses anciens vêtements de fonctions. Un pantalon en toile blanc muni d’une ceinture en tissu qui flottait au vent en même temps que ses cheveux, un haut qui s’arrêtait à ses côtés et dévoilait son ventre musclé et marqué par plusieurs cicatrices, dont une qui partait d’une hanche pour remonter vers l’épaule. Le vêtement, à manches courtes, laissait ses bras nus bien qu’une manche en tissu parte de ses coudes pour descendre vers ses avant-bras. Les bords du haut étaient brodés d’or. L’elfe, malgré ses cicatrices restaient belle femme, un charme bien différent, plus sauvage. Elle se tourna vers la porte en entendant des pas dans le couloir et attendit l’arrivant, une main posée sur son genou relevé, l’autre jambe pendant dans le vide vers l’intérieur. Bien qu'il ne s'agisse pas de ses vêtements d’apparat, elle paraissait soudain bien plus à sa place dans cet environnement luxueux et ses cheveux lâchés adoucissaient un peu ce regard presque fermé qu'elle avait constamment.

Du pourpre sur les mains.

Il ouvrit la porte avec violence, furieux, envahit par une haine sans nom. Il courrait presque dans les couloirs, sans s'en rendre compte, en perdait sa bienséance, ses enseignements, tout ce qu'il avait acquis de noble dans sa vie. Quand il pénétra dans le lieu du crime, il ne pu que constater les dégâts, effaré. Un corps mutilé allongé sur le sol dans une position improbable et inhumaine qui le rendait à peine reconnaissable. Un corps, dont il n'avait pas exploré les entrailles jusqu'à maintenant... Il passa ses mains sur son visage, se massa les tempes, les glissa dans es cheveux, fit un, voir une dizaine d'allers-retours avant de s'immobiliser. Pourquoi paniquer ? Il avait l'habitude de ce genre de choses ! Il avait l'habitude du sang, de son odeur poisseuse, des cadavres froids et sans vies... Le problème, c'est qu'il ne pouvait pas se permettre ce genre de comportements aujourd’hui, ni dans les jours à venir, pas avec son invitée. Il fixa les domestiques au sol, vomissant quand elles ne pleuraient pas. Pourquoi avait-il laissé Christopher avec Lya déjà ? Ah oui, pour éviter qu'elle fouine partout, c'est vrai. C'était donc à lui de s'en occuper ? De toucher cette immondice ? Hors de question. Il n'hésita pas à malmener l'une des femmes en l’attrapant par les cheveux, afin qu'elle se hâte de faire son travail. Les autres en firent de même, beaucoup plus terrorisées par leur Seigneur qu'elles n'avaient jamais vu ainsi, que par ce qui gisait salement au sol.

Pendant qu'elles nettoyaient, il s'en alla dans la chambre où elles avaient "enfermé" plus ou moins la meurtrière. Il y pénétra, non sans inspirer profondément auparavant. Il retrouva une de ses nombreuses maîtresses, un de ses femmes de chambre, souillée de sang presque séché. J'imagine qu'il n'est pas vraiment nécessaire de vous conter la suite. La femme pécheresse fut tuée à son tour par celui qui jugeait avoir droit de vie et de mort sur toute personnes à son service ou inférieures à lui. Ce qui, dans les mœurs de la société, n'était pas totalement faux, mais pas du tout assumé. Il fut contraint de brûler deux tapis ce jour là, deux tapis, vous vous rendez compte ? Deux précieux tapis qui venaient de très loin, deux œuvres d'arts qui étaient un cadeau...parties en fumée avec ces malpropres...

Il laissa la suite à ses esclaves -il les considérait ainsi- et partit dans ses appartements pour se laver des évènements et chasser l'odeur persistante du sang. Fit préparer pendant qu'il se toilettait, une étoffe rouge aux reflets lumineux, et des fils dorés tissés par les plus habiles des mains de la Noria. Il enfila un costume sobre, arborant une queue de pie. Il faisait ainsi habillé, sans forcément en faire trop ou pas assez. Il attacha ensuite ses cheveux améthystes en une sorte de queue de cheval, pensant qu'il serait peut-être temps, de couper quelques centimètres...

Il regagna finalement la chambre où il avait laissée son invitée, détendu après sa toilette. Il frappa trois fois avant d'entrer, afin de signaler sa présence et ne pas la prendre par surprise. Au vu de comment elle était armée en arrivant, il n'avait pas franchement envie d'attirer son courroux. Il découvrit avec surprise une toute autre jeune femme. Elle n'était pas vêtue d'une robe, n'était pas maquillée pourtant... elle était belle. Une beauté douce et naturelle, que Neat' avait rarement eu l'occasion de voir, même chez toutes ses conquêtes -qu'il ne comptait plus-. Elle était ravissante, mais n'en demeurait pas pour autant attirante. Il n'avait pas envie d'elle, pas qu'elle ne soit pas à son goût, non, du tout ! Mais... étrangement, en la voyant il avait l'impression de regarder une statue, la beauté, juste pour le plaisir de voir la beauté... Un sentiment qu'il n'avait jusqu'alors jamais ressentit. Il se surpris à demeurer immobile dans un silence comme, émerveillé. Il se reprit, se gratta légèrement la gorge, gêné d'avoir perdu le contrôle. Ça lui arrivait pas mal de fois ces derniers temps... troublant.

▬ Tu es tout simplement splendide ! J'espère que tes appartements te conviennent, tu peux y rester, autant de temps que tu le souhaites, cette maison est tellement vaste, que ta présence chassera sans nul doute la solitude qui y demeure... J'ai ce que je t'ai promis.

D'un mouvement de la main, il donna un ordre silencieux au majordome qui obéit, sans avoir besoin de mots oraux pour comprendre. Toutes les conversations qu'il avait avec son maître, étaient uniquement mentales, sauf celles qui étaient censées être entendues ou trop urgentes pour prendre ce genre de précautions. Il revint avec une étoffe rouge, soyeuse, faite avec du tissu rare et précieux cela ne faisait aucun doute, ainsi que des fils dorés, et des aiguilles de toutes sortes.

▬ J'ignore si c'est ce que tu désirais, si jamais j'en ferais quérir d'autres jusqu'à ce que tu trouves ce que tu conviennes. Quand au cheval, je peux t'emmener aux écuries tout de suite pour que tu le choisisses si tu le désires, peut-être aimerais-tu passer par le jardin par la même occasion ?

Il ressentait vis-à-vis d'elle, un sentiment étrange. Une sorte d'affection qui le faisait presque paraitre sympathique de façon naturelle et non forcée...
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Elle fixa un instant Oz, sans sourire sinon intérieurement en voyant sa réaction. C’est sûr qu’elle n’avait pas été capitaine des gardes pour rien, capable d’être une femme de qualité, sans artifices d’aucune sorte, tout en étant ferme. Un bras de fer, un gant de soie, serait une parfaite image. Quoi qu’il en soit elle lui laissa le temps de se ressaisir. Elle ne dit rien au compliment et inclina légèrement la tête en guise de remerciement, peut-être une légère rougeur sous sa peau mate. Elle reporta son attention sur le majordome tandis qu’il approchait avec une étoffe rouge. Les pupilles de Lyana se dilatèrent légèrement et elle se leva du rebord de la fenêtre pour approcher du tissu.

Elle avait l’impression que le temps venait de se figer, que son cœur avait à la fois cessé de battre et qu’il n’avait jamais battu aussi fort. Qu’elle n’arrivait plus à respirer et en même temps qu’elle n’avait jamais respiré aussi bien. Les émotions se bousculaient dans sa tête. Nostalgie, joie, fierté, courage, tristesse, effondrement, désespoir. Douleur. Les bannières rouges qui flottaient au vent et le phénix d’or brodé en leur centre, nimbé de flammes brodées elles aussi. Le tissu exactement similaire. Elle s’en souvenait comme si c’était hier, comme si tout ça ne s’était jamais arrêté.

Elle ignorait si son regard avait exprimé chacune de ses émotions à la fois où toutes ensemble, mais lorsqu’elle se reprit elle se rendit compte qu’une larme coulait sur sa joue et elle détourna les yeux en se raclant la gorge. Nerveuse ? Oui elle semblait l’être un peu. L’elfe, une fois certaine de s’être complètement repris, reporta son attention sur Oz et le majordome.

-Pardonnez-moi. C’est tout à fait ce qu’il me faut, sans blagues ils ne l’auraient pas deviné… Quant à aller aux écuries, pourquoi pas.

Elle croisa les bras, à nouveau redevenue la capitaine des gardes. Puis perdit à nouveau de sa prestance pour de la gêne cette fois. Beaucoup plus atténuée que son éclat de sentiment précédent cela-dit. Elle se mit à jouer avec une mèche de ses cheveux blancs.

-Et je n’aurais rien contre quelques leçons supplémentaires… Lorsque vous aurez le temps bien entendu.

L’ironie de la situation en effet était qu’elle ne savait pas monter. Ou plutôt elle savait assez pour voyager plus vite qu’à pied, mais pas nécessairement assez pour pallier à toute éventualité et avouer ce détail semblait un peu la vexer puisqu’elle avait presque l’air boudeuse et semblait attendre une moquerie. Presque puisque seulement cinq pourcents de ses émotions, lorsqu’il ne s’agissait pas de colère, transparaissaient jusqu’à ses mimiques. Même si, étrangement, son masque paraissait se fissurer petit à petit.

L'odeur des fleurs

Il l'avait laissée regarder le tissu, sans prononcer le moindre mot, ni esquisser le moindre geste. Une sorte de sentiment étouffant l'avait envahit. Même s'il ne lisait pas dans ses pensées et qu'il n'était pas particulièrement réceptif aux sentiments qu'elle pouvait ressentir, il semblait qu'ils lui parvenaient partiellement. C'était tellement fort, tellement intense, qu'il ne pouvait échapper à cette vague de nostalgie qui n'était pas la sienne et qui pourtant, le possédait des pieds à la tête. Cela faisait bien longtemps, qu'une chose pareille n'était pas arrivée. Une sorte de frisson d'origine indéterminée remontait le long de son échine. Les sensations joyeuses étaient bousculées par des choses tout à fait contraires. Allant de la simple tristesse, jusqu'à l'intense douleur morale et physique. Heureusement pour lui que sa perception était ténue comparé à ce que Lya devait être en train de ressentir. Il se demanda comment elle faisait pour tenir encore debout, pour lever encore les yeux avec autant de détermination après avoir subit un flot pareil de sentiments. Comment un simple morceau de tissu et quelques fils d'or pouvaient faire naître une tempête pareille ?
Tout ceci ne fit qu'éveiller en lui une plus grande curiosité, mais aussi, une plus grande crainte. Si elle avait survécu jusqu'ici, c'est parce qu'elle n'était sans doute pas n'importe qui. Et plus il en prenait conscience, et moins il était serein.

▬ Pardonnez-moi. C’est tout à fait ce qu’il me faut. Quant à aller aux écuries, pourquoi pas.

Elle croisa la bras, récupérant toute sa contenance, comme si elle avait de nouveau enfermé son âme à triple tour, au moins. De toute évidence, la carapace qu'elle dressait était censé la protéger, mais de quoi ? De ses sentiments ? Peut-être... Le duc envisageait une autre approche, avant de l'abandonner sans plus y réfléchir. Ça faisait beaucoup trop longtemps qu'il n'avait pas joué avec l'esprit des gens, il manquait d'entrainement. Et si Lya était plus forte que lui, elle se rendrait compte de la manipulation mentale et pour lui, ce serait fini. Son plus grand secret serait découvert. C'était tout bonnement inenvisageable.
Elle attrapa une mèche de ses cheveux et la tripota avec une sorte d'embarras enfantin.

▬Et je n’aurais rien contre quelques leçons supplémentaires… Lorsque vous aurez le temps bien entendu.

Un sourire sympathique avait prit place sur le visage du reptile. De toute évidence, elle n'était pas très à l'aise avec l'idée de monter. A ses yeux, ce n'était pas une honte ni même un problème. Les chevaux étaient des créatures dociles avec qui il était facile d'établir un lien. Qui plus est, ces animaux particulièrement calmes étaient faciles à dompter. Il ne doutait pas du fait que Lya s'en sortirait bien. Il le voyait à sa posture, elle se tenait droit, gardait toujours un bon équilibre... Elle avait sans aucun doute possible, le talent suffisant pour parader si elle le voulait...

▬ Ne t'en fais pas. L'avantage d'être un homme aisé et important, c'est que ce n'est certainement pas le temps libre qui me manque !

Il avait tendu la main pour attraper celle de la jeune femme et l'aider à se mettre sur ses jambes, bien qu'il savait qu'elle aurait pu le faire sans lui. Il la conduisit ensuite à travers le manoir, d'un pas lent et tranquille. Il avait ensuite emprunté le chemin menant aux écuries par le jardin. Un lieu qu'il avait tellement l'habitude de travers, qu'il ne remarquait même plus les buissons fleuris autour de lui. Ni même les fontaines qu'il avait fait sculpter il y avait 50 ans. Elles lui avaient coûté une voir deux vies chacune... n'y accordait désormais plus aucune importance. Il avait beau être un collectionneur n'ayant à ce jour connu aucune limite, il arrivait un moment où ses pièces n'avaient plus grande valeur à ses yeux.

▬ Les seules fleurs que j'apprécie réellement, sont les seules à ne pas pouvoir pousser sur les Terres de la Noria... Elles n'éclosent que dans les montagnes, sur le mont Pyrë et plus rarement, sur le mont Givrä... C'est tellement dommage.

Elle esquissa un sourire amusé à sa réponse et fronça légèrement les sourcils quand il lui tendit la main. Perplexe. Elle se demandait pourquoi il faisait ça, elle lui prit cependant la main courtoisement, esquissant presque un sourire. Elle le suivit ensuite vers les écuries, l'ayant rapidement lâché puisqu'aux yeux de l'elfe ce n'était qu'une invitation à le suivre, traversant les jardines qu’elle contempla à nouveau. Ils ressemblaient vraiment, par les espèces présentes, à ceux de sa cité natale. Elle ne dit mot et se douta que son interlocuteur ne parlerait pas non plus avant qu’ils n’arrivent aux écuries, aussi elle fut surprise lorsqu’il parla elle tourna les yeux vers lui, sans dissimuler son étonnement. Sans compter qu’il venait, sans le savoir de se faire exactement la même réflexion qu’elle. Il manquait un parterre de fleurs qui ne poussait pas ici. Lyana ouvrit la bouche, se demandant s’il parlait réellement de la plante à laquelle elle pensait, elle aurait voulu le demander, mais ravala sa réplique pour fermer la bouche, visiblement se ravisant. Elle allait lui poser la question, mais différemment.

-Je ne suis pas certaine de savoir si vous évoquez la même plante qui m’est venu à l’esprit en observant vos jardins, mais c’est vrai qu’il manquerait la plus belle d’entre elles à mes yeux…

La fleur de flammes. Rouge et or qui, lorsque le vent se levait, semblait crépiter comme un feu et se propager à travers tout le jardin. Les sublimes oiseaux de feu venaient parfois s’installer dans ses parterres au château pour s’y ressourcer puisque cette plante puisait la force des éléments sous le sol pour en tirer ses particularités. Elles étaient, comme leur nom l’indiquait, assez chaudes, comme la proximité d’un feu de camp. Les phénix aimaient donc venir s’y nicher et les elfes ne les en délogeaient jamais. Le vrai nom de la fleur était d’ailleurs passée de leur langue à eux, au parlé commun avec quelques déformations.

-Parlez-vous du Lis né ? Ou Lisanë comme cela était à l’origine dans ma langue… Lisanëa même selon les déviations de langage. La fleur de flamme, tout dépend des régions et j’ignore comment elle est nommée aujourd’hui par la majorité des peuples.

Elle tourna son regard vers Oz en souriant paisiblement. Un regard empli de sagesse, qui était loin d’être prétentieux d’avoir la véritable prononciation. Elle s’en moquait même puisqu’elle avait prononcé les quatre appellations qu’elle connaissait. D’un autre côté cela pouvait lui permettre d’en savoir un peu plus sur son interlocuteur selon quel nom lui ferait le plus écho et auquel il réagirait. Ces plantes ne fleurissaient presque plus au mont Pyrë, raison pour laquelle elle avait posé cette question de cette façon.

[Hrp : Lisanëa, à prononcer comme Lissanëa ^-^ (j'ai importé la langue de Lyana de ma fiction ^-^)]

Des chemins différents, qui

s'entrecroisent parfois

Dans la plupart des appellations qu'elle avait employé, le Duc y reconnaissait en effet le nom de la fleur qui lui était venu à l'esprit. Pourtant, il était presque certain de ne pas avoir connu d'elfe de feu avant cette jeune fille. Comment expliquer que ces termes lui évoquaient quelque chose ? Peut-être avait-il eu un jour entre ses mains, un livre rare et que ces mots y figuraient ? Il était difficile de se souvenir de tout ce qu'il avait pu lire. Étaient-ce des mots que ses parents, qu'il n'avait pas revus depuis fort longtemps, utilisait à chaque fois qu'ils croisaient cette fleur lors de leurs migrations plus ou moins lointaines et longues ? Peut-être aussi qu'il se leurrait. C'était tout à fait possible, mais il ne l'aurait certainement pas accepté.

▬ Lisanë, c'est en effet de cette sublime fleur aux pétales embrasés qui manque à cet endroit. Il y a fort longtemps que personne ne l'a ainsi appelée, c'est quelque peu troublant. Tu me sembles très cultivée !

Il s'approcha d'un buisson de rose. Pas parce qu'il avait cette fleur en tête ni parce que c'était forcément la plus jolie, mais bien parce que c'était la plus proche. Il n'y avait rien de mauvais ou de réellement réfléchis dans ce choix, mais il n'en demeurait pas moins déterminant. Il en cueillit une avec le plus grand soin et la tendit à Lya. Il n'ajouta rien à ce présent pas même quelques mots. Il poursuivit ensuite sa route vers les écuries, n'ayant pas franchement envie de s'attarder sur des sujets de botaniques qui ne lui rappelaient que trop bien sa véritable existence de dragon qui se faisait passer pour un humain. Pitoyable était le mot qui convenait le mieux à sa situation. Mais il s'en contentait. Quoiqu'il y avait des existences bien plus torturées que la sienne.
Ils arrivèrent sans tarder devant un bâtiment plutôt modeste comparé à tout ce qu'il possédait. N'ayant pas d'attachement particulier pour les animaux il avait fourni à ses montures, le stricte nécessaire à leur confort mais pas plus. L'argent pouvait s'investir de manière bien plus intelligente et esthétique. Un palefrenier vint aussitôt s'enquérir des besoins de son maître. Celui-ci demanda qu'on lui apporte deux équidés : Calypso et Méphisto. L'homme s'exécuta sans plus tarder tandis que le Duc conduisait Lya jusqu'au terrain d'entrainement. Une surface circulaire recouverte de sable et entourée par des barrières suffisamment basses pour passer par dessus. On apporta les deux animaux sellés et on les fit entrer dans l'arène, comme aimait l'appeller le Duc.
Il désigna le plus petit du doigt et commença les présentations.

▬ Voici Calypso, une Gypsy Vanner vêtue de la couleur de robe appelée pie. De loin la plus docile et la plus calme de toute cette écurie. Tu pourras apprendre à la monter en toute quiétude. Et son ami dit-il en désignant la seconde créature, Méphisto un Percheron noir, ma monture personnelle. Je te propose de d'abord commencer par faire connaissance avec Calypso et dès que tu te sens prête, nous partons en promenade, qu'en penses-tu ?

Il prit la main de sa compagne et la conduisit jusqu'aux animaux. Il la lâcha ensuite, prit la bride de Calypso et la lui donna. Il flatta l'encolure de l'équidé.

▬ Prenez soin l'une de l'autre, et monter n'en deviendra que plus plaisant. Si elle te plait, je peux te l'offrir... Et si tu me montrais comment tu montes pour commencer ?

La claaaaaaaasse 8D.

Calypso le Gypsy Vanner couleur de robe : Pie:

Méphisto le Percheron couleur de robe : Noir:

Lyana sourit légèrement en entendant le duc, puis s’approcha pour cueillir une fleur. Elle ne lui accorda presque pas d’attention, jusqu’à ce qu’il fasse un mouvement vers elle pour lui tendre une rose, l’elfe la prit délicatement entre les épines, pour ne pas se blesser et le remercia d’un signe de tête sincère. Elle lui emboita le pas machinalement lorsqu’il prit la direction des écuries, faisant tourner doucement le présent entre ses doigts, s’interrogeant s’il n’y avait pas un sens caché, même involontaire, à ce choix. Le classique ? Amour ? Ou bien autre chose, de plus insidieux. La gentillesse, qui masquait un écueil ? Ou alors la vie l’avait tellement endurcie qu’elle voyait une mauvaise intention partout. Elle l’ignorait, elle choisit donc de ne pas prêter attention au potentiel danger.

Elle revint à la réalité lorsque Oz parla de nouveau pour lui présenter une petite jument, a la robe blanche tachetée de noir. L’équidé croisa le regard curieux de l’elfe et l’expression de cette dernière se modifia légèrement pour esquisser un sourire. Les yeux de la jument étaient intelligents, paisibles, mais méfiants. Lyana sourit plus largement, tandis que le duc lui proposait de faire connaissance avec Calypso avant de partir en promenade, puis il lui proposa de la lui offrir. L’elfe tourna son regard vers Oz, l'air heureux en prenant la bride de Calypso.

-Entendu, elle a l’air sympathique, répliqua-t-elle avec un léger entrain.

Ce fut sa seule réponse à laquelle eut le droit le duc. Non parce que Lyana ne voulait parler, mais parce qu’elle était déjà concentrée pour gagner la confiance de la petite jument. Le langage corporel de l’elfe avait changé, ses muscles s’étaient détendus, elle s’était un peu redressée, tout en restant respectueuse et ne cherchant pas à dominer l’animal, se présentant comme une amie. Elle lâcha la bride. Calypso secoua légèrement la tête et frappa du sabot. L’elfe la détailla, des attaches épaisses, faite pour l’endurance et les longues marches, un panache de poils plus longs aux dessus du sabot qui donnait un air doux à l’équidé. Les lèvres de Lyana se mirent à remuer dans un murmure léger que seul le cheval semblait entendre. Les deux dressèrent d’ailleurs les oreilles, puis Méphisto se détourna. L’elfe recula de quelques pas et Calypso hésita un instant, avant de se mettre à suivre la femme, sans qu’elle ne lui tienne la bride ou la crinière. Un instant presque magique où Lyana parlait sans qu’on l’entende, hormis par les chevaux ou autres animaux. La petite jument s’approcha jusqu’à frotter son museau contre la peau de l’elfe, qui sourit avant de se hisser avec légèreté sur la selle. Presque comme une cavalière aguerrie. Presque, puisque une fois sur le dos de la Gypsy, Lyana se sentit mal à l’aise et se raidit légèrement. Elle mit un certain temps à se détendre, même alors que Calypso ne bronchait pas.

Lorsque ce fut fait, ils partirent en promenade. L’elfe se sentit plus à l’aise lorsqu’ils entrèrent sous les arbres. Elle préférait visiblement la nature, ou du moins les espaces où il n’y avait pas de bâtiments, comme si elle s’y sentait plus enfermée, menacée. Oz ne le savait probablement pas, mais près des lieux peuplés il y avait trop de sons pour elle, cela ne lui permettait pas d’entendre le danger approcher. En extérieur c’était plus simple, le moindre bruissement prenait de l’ampleur et elle pouvait faire le tri facilement. Une course dans les fourrés, légère pour Oz, bruyante pour Lyana, le son feutré des feuilles qui bruissent sous la brise. Elle ferma les yeux, profitant du calme des lieux, ignora le bruit du cœur du duc, trop proche pour être important. Se concentra sur le chant d’un oiseau, rêvant brièvement à celui du chant du phénix qu’elle avait entendu parfois. Un glissement et un sifflement. Proche. Le cœur du Percheron accéléra et l’elfe rouvrit les yeux, juste à temps pour le voir se cabrer en hennissant. Calypso fit de même, un peu derrière Méphisto, mais assez proche pour être pratiquement côte à côte, désarçonnant Lyana qui tomba en arrière, roulant avec souplesse au sol, puis se redressa d’un même mouvement en tenant en main la tête d’un serpent qui sifflait rageusement en se tortillant. Un assez gros reptile, qui s’enroula autour de l’avant-bras de l’elfe en serrant. Lyana ne connaissait pas cette sorte, mais la devinait venimeuse. Il réussit à se dégager en se tortillant et la mordit à la main, sous le coup de la surprise elle le lâcha et il s’éloigna rapidement en rampant.

Elle se tourna vers Oz pour vérifier qu’il n’avait pas été mordu après sa chute. Elle se figea, la bouche ouverte, incapable de parler, la douleur se réveillait dans son dos. Fulgurante. Sa vue se brouilla, elle perçut un bruissement imperceptible, un pas, lointain, furtif, inaudible pour qui n’avait pas l’ouïe adéquate. Le lien se fit entre la douleur, la présence du serpent et sa chasse. La jument était revenue vers elle, Lyana enfouit ses mains dans la crinière instinctivement, au cas où elle s’effondrerait. La douleur reflua lentement, très lentement, lui permettant de reprendre lien avec la réalité petit à petit.

Sauvetage in-extremis

Underneath la regarda faire, sans comprendre. Que faisait-elle ? C'est comme si... Elle envoûtait le cheval. C'était fascinant à regarder, même s'il n'avait aucune idée de comment ou pourquoi elle faisait ça. Méphisto parut être intéressé pendant un instant par ce qu'il se passait, mais n'eut pas la même réaction que Calypso. Lya aurait un don avec les animaux ? Une sorte de lien ou de pouvoir lui permettant de communiquer avec eux pour les mettre en confiance ? C'était vraiment étrange... était-ce ça la particularité raciale des elfes de feu ? Ou... ou alors... Il DEVAIT se procurer un ouvrage, un bestiaire, n'importe quoi qui puisse l'informer sur cette race apparemment disparue excepté deux individus. En rentrant il ferait en sorte de faire fonctionner ses contacts et les personnes qui lui devaient des services qu'il n'avait pas encore appelé pour ce genre d'occasions spéciales. Même s'il avait placé quelques pions, rien n'assurait qu'il puisse obtenir quoique ce soit concernant la demoiselle... Dans ce cas il serait contraint de faire en sorte qu'elle lui dévoile ses secrets. Mais il était trop tôt, elle n'avait pas confiance. Quand elle fut en selle sur Calypso, ils partirent sans attendre en promenade. De toute évidence, Lya savait monter de manière tout à fait correcte. Bien qu'au niveau du maintient elle semblait mal à l'aise, elle se débrouillait mieux que ne l'avait espéré le Duc. Ça lui faisait une plaie en moins. Bien sûr il aurait pu lui apprendre sans trop de problèmes, mais à ses yeux c'était du temps perdu.

Monté sur son percheron, marchant à l'avant il jeta un coup d’œil au paysage alentour. Des arbres, des buissons, quelques fleurs... de la verdure pour faire plus simple. Il parcourrait souvent ces bois il y a longtemps, quand il avait besoin d'être vraiment seul, loin de toute présence dite intelligente. Maintenant, il trouvait juste ce paysage déprimant, symbole du cycle de la vie. On a beau mourir, ça ne fait que ralentir le processus de l'existence pendant tout au plus quelques jours. L'hiver a beau tout emporter, le printemps revient sans cesse, transportant avec lui de nouvelles existences en effaçant tout des prédécesseurs. Au final, aussi longue soit sa vie il finirait par mourir. Et tout ce qu'il avait accomplit finirait dans les méandres de l'oubli. Il soupira. Soudainement, Méphisto cabra, désarçonnant son cavalier, trop surpris pour avoir le temps de réagir. Le Duc tomba à la renverse, s'écrasant sur le dos dans un bruit sourd qu'il entendit à peine : entre les hennissements des chevaux et leurs sabots frappants contre le sol il ne savait plus où donner de la tête. Il n'eut pas le temps de se relever qu'il assista à une scène pour le moins étonnante. Lyanëael avait un serpent autour du bras. Il la mordit, s'échappa de son étreinte avant de filer en rampant à toute vitesse, jugeant sans doute qu'il valait mieux pour lui de ne pas rester là plus longtemps.

La demoiselle ne tarda pas à tourner de l'oeil, cependant elle ne tomba pas inconsciente. Son visage devint presque livide, la bouche ouverte elle était tournée vers le dragon, comme si elle avait voulu dire quelque chose. Underneath se releva immédiatement, pour la rejoindre, alarmé par le souvenir de la morsure et l'état inquiétant de Lya. Une vague idée lui traversa l'esprit. Et si elle mourrait, là, maintenant tout de suite... ne serait-ce pas mieux pour lui qu'elle périsse ? Ou devait-il essayer de la sauver ? Quel était l'intérêt de la protéger ? Il n'eut pas l'occasion de trouver une réponse, aux côtés de Calypso qui l'avait rejointe, elle semblait aller un peu mieux. Il se mordit l'intérieur de la joue. Il avait hésité. Il s'était demandé s'il devait ou non prendre sa vie pour sauver la sienne... Pourquoi ? Cela signifiait-il qu'il s'était attaché à cette femme ressemblant à s'y méprendre à une statue fière et forte ? En si peu de temps ? Était-ce possible ? Lui qui avait tellement tué pourquoi l'idée de prendre une lame ne lui avait-elle même pas effleuré l'esprit ? Encore une fois ce n'était pas le moment de se pencher sur ce genre de sujets.

Il s'approcha de l'elfe de feu en époussetant ses vêtements, cherchant vaguement Méphisto du regard. Ce devait être ça, les bruits de sabots sur le sol, il avait dû s'enfuir... Il le rattraperai plus tard.
Une fois aux côtés de Lya il posa sa main sur son front pour prendre sa température. Elle était plutôt fraiche et un peu humide comme si elle sortait d'un effort intense. Il ramena quelques mèches de ses cheveux soyeux en arrière pour libérer son visage.

▬ Est-ce que ça va ?

Demanda-t-il réellement soucieux de la santé de son interlocutrice. Il n'attendit pas la réponse et ajouta :

▬ On va rentrer tout de suite, que ce serpent soit venimeux ou pas je ne veux prendre aucun risque.

Il siffla Calypso qui, dressée, dressa les oreilles attentive. Il glissa son bras dans le dos de Lya, plaça le second au niveau de l'intérieur de se genoux. et la souleva comme une princesse. Elle était légère, et il pouvait parler d'expérience étant donné qu'il avait porté pas mal de femmes dans son existence. Il siffla trois fois et la monture s'en alla en galopant, à la recherche de Méphisto. Le domaine était plutôt grand et regagner le manoir à pied pourrait prendre un temps fatal à la jeune fille, même si elle semblait plus trop mal en point il serait trop risqué de faire comme si rien ne s'était passé. Il commença à marcher en direction du bâtiment, bien qu'il n'était pas visible d'ici, il ne connaissait que trop bien les lieux pour se permettre de se perdre.

▬ Fais en sorte de ne pas mourir okay ? J'ai un certain attachement pour ta bouille... et ton caractère aussi mais peu importe ! Tu penses pouvoir monter ?

Elle se sentit soulevée et voulut répliquer, mais n’en eut pas la force, la douleur ne s’était pas encore assez estompée. Elle avait quelques vertiges légers, peut-être dû au poison du reptile qui se propageait et était immédiatement combattu par son organisme. Lyana ne s’occupa pas de ce phénomène, la douleur revenait par vagues légères avant de refluer, elle parvenait cependant à se reprendre petit à petit et put répondre à Oz.

-Il en faut plus pour me tuer, murmura-t-elle doucement en esquissant un vague sourire. Je peux monter.

Elle entendit Calypso revenir peu de temps après avec Méphisto qui semblait encore nerveux. Lyana avait retrouvé quelques couleurs. Elle n’avait pas l’habitude de se laisser porter, à vrai dire elle n’appréciait habituellement pas le contact tactile, pour plusieurs raisons. Dont la principale qu’elle avait assez souvent failli mourir. Cependant elle ne protesta pas, consciente qu’elle avait besoin d’aide pour le moment, même si cela lui arracherait le cœur de l’avouer à voix haute. Ses muscles étaient d’ailleurs contractés, même détendue elle semblait constamment nouée, comme après des années à être méfiante. Sur un ordre de son maître Calypso s’allongea docilement au sol et le duc aida l’elfe à s’asseoir sur le dos de la petite jument qui se releva ensuite lentement. Lyana enfouit ses doigts dans la crinière de l’équidé pour ne pas tomber, craignant que son corps ne la trahisse.

Elle attendit qu’Oz remonte sur son cheval, la douleur pulsant de moins en moins dans son dos elle put s’éclaircir un peu l’esprit. Assez pour se mettre à réfléchir. Pour aligner plus de trois mots sans que sa voix ne faillisse et pouvoir formuler une question qu’elle demandait chaque fois qu’elle paraissait visée. Parce qu’elle savait que ce serpent n’avait rien à faire ici, il n’était pas originaire de ces contrées, même si elle ignorait d'où, ni de quelle espèce il s’agissait.Elle avait assez voyagé pour savoir que sa présence n’était pas normale. Elle n’ouvrit cependant la bouche qu’une fois certaine d’aller mieux, au sortir du bois, quand elle retrouva enfin un aplomb à peu près potable.

-N’auriez-vous pas vu ou entendu parler d’un elfe me ressemblant qui roderait dans les environs ?

Paranoïaque, pouvait être le mot, mais tel n’était pas le cas, elle voulait simplement vérifier. Savoir, puisqu’il essayait de la tuer autant qu’elle de le retrouver pour en finir. Et plusieurs fois sa vie avait été en danger à cause de cet homme.

Doutes

Elle reprenait petit à petit des couleurs. Underneath assistait à ce phénomène avec une surprise qu'il avait du mal à dissimuler. Comment était-ce possible ? Le venin du serpent n'aurait pas été mortel finalement ? C'était tout à fait envisageable... le Duc avait déjà entendu parler de reptiles capables de paralyser leurs proies pour mieux les tuer. Il comprenait pourquoi ces créatures étaient si hautes dans la chaîne alimentaire maintenant. Elles n'étaient pas nombreuses les substances créées par de si petit animaux capables de mettre à terre un humain... Enfin un elfe de feu. Une chose était certaine, il se sentait étrangement soulagé mais n'en demeurait pas moins anxieux.
C'est quand il sortirent du bois, qu'elle reprit la parole. Il aurait tellement souhaité, qu'elle ne pose jamais cette question... Mais elle le fit. Pourquoi ? Se doutait-elle de quelque chose ? C'est tout juste sur le Duc ne tira pas sur les rennes de sa monture tant il avait l'impression qu'il allait tomber dans un piège. Il fit la moue, posant ses doigts sur son menton comme s'il réfléchissait, levant les yeux vers le ciel. S'il avait cru aux Dieu, il aurait prié. Parce qu'il se doutait du fait qu'elle le tuerait avant même qu'il n'ait le temps de dégainer son épée d'apparat. Pour une fois qu'il passait un moment plutôt agréable, il fallait que les démons cherchent à le happer une fois de plus en enfer. Il voulut parler, inventer un mensonge comme il l'avait toujours fait, mais quand ses lèvres s'entrouvrirent rien ne sortit pas un son, pas une syllabe... Il arbora un sourire, faux tout comme le reste mais plutôt bien immité. Il avait des années d'entrainement après tout. Il opta pour un demi mensonge, puisqu'il était incapable de faire autrement pour l'instant.

▬ Sois certaine que si une personne comme toi se promenait dans les environs, j'aurai ouïe de ses faits et gestes sur les terres de la Noria. Cherches-tu quelqu'un en particulier ? Si tu le désires tu peux l'inviter au Manoir ! Je l’accueillerai avec plaisir !

Plaisir... était un mot qui était bien contraire avec les pensées du dragon. Pourquoi haïssait-il cet homme ? Alfrat, cet elfe de feu... Le premier à l'humilier de la sorte et il ferait en sorte que ce soit le dernier. Il avait tellement honte d'avoir eu si peur, même s'il savait que c'était un sentiment tout à fait justifié. Il n'avait pas dit, qu'il reviendrait pour tuer le Duc si le travail n'était pas fait. Mais quelque part, en tant qu'être vivant dépravé et corrompu jusqu'à la moelle, Underneath se doutait qu'il n'y aurait probablement pas d'autre issue à cette histoire.
Il détacha ses longs cheveux améthystes et tenta de se recoiffer. Un geste qu'il effectuait à chaque fois qu'il avait l'impression de perdre le contrôle. A chaque fois que son masque créé pour la société se fissurait. Il soupira puis donna un coup de talon dans le flanc de son animal qui se mit au trot.

▬ Rentrons. Ces bois sont infestés d'oreilles en tout genre. Et j'ai encore des choses à te montrer avant que tu ne te décides de partir.

Il allait le tenter. Allait s'offrir la dernière occasion qui lui restait pour la tuer. Il en avait mis des vies à terme, ce ne devrait pas être plus compliqué que ça. Une fois le poignard en main, ce sentiment sanglant l'envahirait et il ne serait plus que spectateur de son crime. C'est dommage, elle était quand même gentille...
Méphisto partit au galop sans attendre Calypso qui le rattraperait sûrement avec aisance. Pourquoi est-ce que je fuis ?

© By Halloween sur Never-Utopia

La réaction d’Oz aurait pu surprendre Lyana, l’alerter, si elle y avait prêté attention. Elle ne remarqua qu’il s’éloignait au petit galop que lorsque Calypso renâcla doucement avant de rejoindre le Percheron. L’elfe du alors se concentrer sur sa monte pour éviter de tomber, surtout qu’elle n’avait pas encore regagné toutes ses forces. Elle ne se plaignit pourtant pas et attendit qu’ils s’approchent du manoir et descendent de cheval pour parler. Son visage était fermé et elle fouillait le paysage du regard avec méfiance. Elle semblait nerveuse, même si une sourde colère dormait dans ses yeux rouges. Elle devait récupérer ses armes au plus vite.

-Je serais vous je me garderais d’inviter cette espèce de taré chez vous, sauf si vous avez envie qu’il extermine la ville, votre maisonnée et vous avec.

L’elfe de feu ne cessait d’observer tout autour d’elle, elle n’avait pourtant pas vu son confrère, mais le simple bruissement dans la forêt qu’elle avait deviné lui laissait penser qu’il était dans les environs. Lorsque Oz la mena dans un petit salon, elle ne s’était pas calmé, loin de là et dès son entrée dans la pièce le feu qui brûlait dans la cheminée se mit à danser soudainement, comme aviver par un courant d’air. Lyana dû faire tous les efforts du monde pour s’apaiser et le foyer se remit à brûler tranquillement. L’elfe n’avait toujours pas ses armes et se sentait vulnérable, elle s’assit sur un fauteuil et ramena ses genoux contre elle, non sans avoir retiré ses bottes. Elle dissimula son visage contre ses jambes pour terminer de se calmer, relativisant les choses : elle n’avait plus ses armes, mais personne, à part Alfrat, et quelques rares autres personnes au monde qui n’étaient pas ici présentes, ne pouvait la tuer facilement. Lyana ferma les yeux.

Pourquoi cet instant de panique ? Elle savait, la douleur dans son dos et le fait de se sentir vulnérable. Le fait que son esprit s’embrumait encore par instants à cause du poison du serpent, mais pas assez pour que cela gêne ses réflexes. Peu à peu elle se relâcha, sa respiration redevint posée, à tel point que l’on pouvait se demander si elle dormait. L’elfe ne faisait plus attention à Oz, se centrant sur son monde intérieur pour finir de retrouver son calme, puiser dans ses ressources pour chasser le poison et se reposer en restant éveillée. Elle réagissait à aux mouvements autour d’elle, comme réellement endormie.

Quand les sentiments s'en mêlent.

Neat' avait préféré ne pas passer par l'armurerie. Il aurait été stupide de sa part de laisser la jeune femme porter des armes, surtout en sachant qu'elle les manierait bien mieux que le Duc. Il ne prit donc pas le risque, pour sa dernière tentative, il ne pouvait pas se le permettre. Du moins il espérait que ce serait sa dernière tentative. Car s'il échouait... il n'avait d'autre possibilité que d'essayer à nouveau. Mais le plus dur restait de ne pas se faire prendre, autrement elle lui filerait entre les doigts et il ne la retrouverai probablement jamais. De la même manière qu'Alfrat était entré et sortit sans que personne ne puisse le remarquer il était probable qu'elle ait les mêmes capacités de dissimulation. Ou alors il devait vraiment penser à vérifier les capacités de chacun de ses gardes du manoir pour chasser les incompétents.

Il l'avait faite venir dans le petit salon. Mais pas n'importe lequel... le petit salon dans lequel il avait fait tellement de mal pour ce qu'il jugeait être un bien. S'en voulait-il ? Ce n'était pas dans sa nature de regretter ses actes passés. Surtout pas ici, il se sentait... presque bien en fait. C'était une drôle de sensation, une sorte de vide l'emplissait, un grand vide qui aspirait tout, joies comme malheur le laissant tel une feuille vierge sur laquelle il faut écrire une histoire... Mais ce n'était que momentané. Il suffisait qu'il rouvre les yeux pour que cette impression se volatilise. Il n'empêche que quelques secondes de paix intérieure, c'est tout ce dont il avait réellement besoin.

Mais il n'avait pas le temps aujourd'hui de s'adonner à des exercices de relaxation. En entrant il avait remarqué que le feu s'était mis à crépité avec plus de vivacité que d'accoutumée. Il s'était arrêté très rapidement, mais pas assez pour que Neat' ne remarque pas ce détail plutôt troublant. Lui, en tant que dragon, avait une relation -si je puis nommer cela ainsi- avec les flammes. Alors oui, bien qu'il ne soit pas dans ses habitudes d'observer les alentours lorsqu'il était chez lui, ce mouvement là, cette agitation, il l'avait remarquée. Lya était-elle responsable ? Après tout, son ethnie ne devait pas porter le nom "d'elfe de feu" pour rien, si ?

Il la regarda prendre place et se recroqueviller. Elle paraissait... troublée ou mal à l'aise, il ne savait pas trop lequel des deux termes convenait le mieux. Il lui apporterait la paix, comme aux précédentes. Il la libèrerait de ses chaînes, permettrait à son âme de ne plus être emprisonnée dans ce morceau de chair. Mais même en disant cela, même en se persuadant qu'il allait la sauver... Rien ne vint. Aucune pulsion animale, le néant. Juste un profond creux, un trou noir sans précédent. En la voyant comme ça, il avait juste... mal pour elle. Mais... justement ! Ne serait-ce pas réellement mieux de la soulager ? Après tout, dans l'au-delà... il n'y a plus de problèmes à avoir ! Il n'y a peut-être même plus l'once d'une existence ?
Il dégaina lentement l'arme donnée par Alfrat qu'il avait cachée dans un tiroir secret du canapé. Il l'empoigna fermement, s'approcha de la jeune femme et le brandit... avant de le remettre dans son fourreau et de le glisser sous ses vêtements. Qu'elle humiliation pour lui, de n'être capable de mettre un terme à la vie d'une pauvre fille. A croire qu'il s'y était attaché, à ce caractère renfermé qui ne laissait rien paraitre. Comme s'il avait envie de mieux apprendre à la connaitre ! Il était devenu fou ?? OUI ! C'était ça ! Il devenait totalement dingue ! A moins que ce ne soit le contraire ?

Il ne savait plus du tout où il en était le pauvre homme... Il se pencha vers Lya, une fois sa résolution prise. Il préférait mourir fou plutôt que de trépasser en ayant un jour été commandé. Il avait tout fait de son propre chef, et aujourd'hui particulièrement, il n'y avait aucune raison pour que sa change.
Il posa ses mains sur les épaules de la jeune femme. Et cette fois-ci, quand elle lèverait la tête, elle pourrait voir le premier vrai sourire du Duc. Une expression qui même à lui était inconnue.

▬ Lya, tu veux un peu de thé ? Tu sais... je ferai en sorte que tu sois en sécurité ici peu importe qui te voudra du mal. Ton ennemi sera le mien. Même s'il est encore trop fort pour moi, je ferai en sorte de lui arriver à la cheville, après tout, ce n'est pas aux femmes de se battre, bien que ce soit une pensée tout à fait noble.

Le chuintement de la lame tirée alerta l’elfe, mais elle ne bougea pas. Nouveau chuintement. Elle sentit les mains du duc se poser sur ses épaules. Lentement elle leva la tête et eut la surprise de voir un sourire sincère se dessiner sur le visage d’Oz, au-delà de son expression, ce sont les mots qu’il prononça qui éveillèrent une lueur dans les yeux de Lyana. Une lueur de vie, qui fit briller la flamme de son regard et ne disparut pas immédiatement. Ce duc qui avait, elle en était pratiquement certaine, rencontré Alfrat et choisit de l’aider elle et non son ennemi, quoiqu'il ne soit pas assez fort pour lui tenir tête. Ce sentiment d’attachement qui se dessinait, de respect peut-être aussi devant le courage d’Oz. Une larme brilla au coin des yeux de l’elfe de feu, unique, de joie ou de paix, peut-être les deux, avant de couler le long de sa joue et y disparaître.

Elle ne remettrait pas en doute la parole du duc, par alors qu’il montrait une telle détermination, mais elle voulait savoir ce qui s’était passé. Aussi elle posa doucement ses mains sur celles de l’homme pour retirer rapidement la lame d’Alfrat qu’il avait dissimulé dans sa manche. Son regard fixé sur celui d’Oz, afin qu’il puisse y voir qu’elle n’allait pas lui faire payer son début de trahison. Au contraire les traits de Lyana étaient plus paisibles maintenant. Elle parla avec douceur en lui demandant presque dans un murmure :

-Racontez-moi ce qu’une telle arme fait en votre possession s’il vous plaît.

Alliance ?

La larme sur la joue de la demoiselle ne le laissait pas indifférent. Était-elle vraiment touchée par ses mots ? Avait-elle en tête un problème qui l'angoissait réellement ? Ou simulait-elle ? Pour avoir rencontré bien des personnes, il avait le droit de se poser la question. Il savait que certaines femmes étaient capables de pleurer sur commande sans que personne ne fasse la différence entre véritable tristesse et manipulation. Lui pouvait savoir s'il y avait mensonge ou non, mais c'était uniquement grâce à ses capacités psioniques. Autrement, il avait parfaitement conscience qu'il serait tombé dans le piège comme le plus parfait des abrutis humain. Mais ici, il ne parvenait pas à déceler quelque chose de faux. Elle semblait vraiment émue, ce qui eût pour effet d'enfermer son coeur dans un étau douloureux. Quand il y a encore quelques secondes il hésitait à la tuer, il ne l'imaginait pas capable d'une telle expression. Il imaginait même déjà son visage plein de rage, de colère et de ce sentiment qu'est la trahison.

Mais Neat' n'avait pas finit d'être surpris par la jeune femme. Elle lui prit doucement les mains, légère comme un papillon, et sans aucune agressivité ou geste violent elle récupéra l'arme qu'il avait cachée dans sa manche. Il la fixa désemparé, ne sachant pas comment réagir. Le savait-elle depuis le début ? Lui avait-elle laissé ce choix horrible pour le tester ? Pourquoi le torturer de la sorte ? Perdu dans se pensées, était-il possible qu'il avait oublié de fouiller celles de Lya ? Qu'importe maintenant. Il s'était résolu à mourir de sa main à partir du moment où il avait baissé son arme. Au moins, il aurait une sublime image à contempler en allant vers l'au-delà, son visage si particulier à la beauté exotique...
Mais elle ne sembla pas en colère comme il l'avait imaginé. Non, elle arborait une expression douce, presque sereine. Elle était tellement calme et rassurante, que le Duc sentit quelques uns de ses muscles se détendre. Mais elle lui posa la question qu'il n'aurait jamais voulu entendre. Il savait qu'il avait quelque part, le devoir de se justifier, mais d'autre part il avait beaucoup trop honte et un peu peur aussi. Alfrat était une personne effrayante même pour quelqu'un possédant une forme reptilienne aux écailles relativement dures.
Il détourna les yeux, le sourire s'effaça de son visage, ne laissant qu'une expression troublée accentuée par ses sourcils froncés. Il se remit droit, et lui tourna le dos, fixant le feu comme s'il était la chose la plus intéressante de l'univers, perdu dans ses pensées, réfléchissant aux phrases qui pourraient bien faire l'affaire. Il pourrait mentir, mais ce serait inutile. Il était certain qu'elle connaissait l'autre elfe et elle savait maintenant qu'il était venu ici. Ne pas répondre n'était même pas une solution et ce n'était aps son genre de se murer dans le silence à la moindre contrariété. Il ne restait plus que l'option de la vérité. Mais il ne voulait pas qu'elle le prenne en pitié. Il ne voulait pas lire de la compassion sur son visage, ne voulait pas qu'elle pense qu'il était faible. Parce que même s'il était, il avait toujours tout fait pour ne plus l'être. Son orgueil ne cessait d'être éparpillé aux quatre vents et bientôt, sa fierté aussi tomberait en poussière et c'était douloureux de voir tout ce que l'on construit en plusieurs centaines d'années s'évanouir comme une pauvre fleur fanée... Alors il fit le choix de parler de faits et non pas de sentiments, pour cacher son malaise, cette culpabilité et ce regret qui le gagnaient inexorablement.

▬ C'est un elfe de feu du nom d'Alfrat qui me l'a donnée. Il s'est infiltré dans ma chambre et m'a demandé de mettre fin à tes jours. Et... Comme j'ai toujours été un grand collectionneur l'idée de pouvoir garder cette lame me ravissait alors j'ai accepté.

Il n'avoua pas qu'il avait aussi le projet de la faire empailler, parce qu'il n'était pas sûr qu'elle conserve son calme bien longtemps. Et de toute façon elle n'avait aucun besoin de savoir tout ce qui lui passait par la tête, ça valait mieux pour elle d'en ignorer la plus grande partie.
Il se sentait un peu plus léger, à peine plus léger mais ça faisait la différence dans son esprit. Il avait l'impression étrange... qu'il pouvait lui faire confiance bien qu'il n'en soit pas tout à fait certain. Il la connaissait depuis peu de temps, mais déjà, il voyait en elle une chose à protéger et ça il ne s'en rendait que partiellement compte.

▬ Peut-être, sauras-tu me pardonner...

Elle se doutait déjà de la réponse bien entendu. Personne, à part son peuple, ne connaissait le secret de fabrication de ce poison, à moins qu’il ne l’ait obtenu il y a longtemps, il fallait bien qu’Alfrat la lui ait donnée. À moins que… qu’il ne reste, quelque part, un elfe ayant échappé au massacre. Elle refusa cependant cette perspective, ne voulant pas se faire trop d’espoir. Elle eut la confirmation de ses craintes. Il n’était pas bien loin et il avait essayé de la tuer. Sans compter qu’il avait un temps d’avance sur elle, se doutant qu’elle viendrait ici, il avait passé ce contrat avec le duc. Lyana se mura un instant dans une expression indéchiffrable en écoutant son hôte, puis, finalement, elle releva les yeux vers lui, sa tranquillité revenue dans ses yeux rougeoyants. Elle afficha même un léger sourire.

-Bien sûr, je vous pardonne, beaucoup, quelle que soit leur force, préfèreraient coopérer avec lui plutôt que de se soumettre.

Cela dit, pourquoi n’avait-il pas fini son geste ? Avait-il développé un sentiment envers elle ? Quel qu’il soit. L’elfe sortit de sa poche une étoffe pour essuyer la lame dessus et en retirer le poison méticuleusement. Elle vérifia plusieurs fois qu’il n’y en ait plus du tout, avant d’observer la lame avec attention. Un couteau aux apparences classiques, hormis que sa garde était finement ciselé, orné de motifs végétaux. Il s’agissait d’une arme de très bonne facture, datant de l’époque où son peuple était à son âge d’or. Lyana la saisit par la pointe pour la tendre au duc.

-Cette arme est vôtre, vous ne risquez plus de vous empoisonner et elle reste unique. Pour votre collection. Si jamais vous souhaitez apprendre à vous en servir ce serait un plaisir, pour vous remercier… et parce que d’un certain côté j’ai une dette envers vous.

Il l’avait invité, offert un cheval et des étoffes. Il l’avait épargné alors qu’il aurait pu la poignarder facilement. Dire qu’elle avait une dette envers lui était en dessous de la vérité.

» Visite nocturne pour un marcher bien sombre [TERMINÉ]
» Pour proposer un prédéfini.
» Pas besoin d'être un dragon pour savoir faire des étincelles.

Visite diurne pour une transaction banale, normalement...

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