Je savais que j'aurais du demander mon chemin avant de m'aventurer ici. Je le savais. Et pourtant.. Perché sur une épaisse branche d'arbre, mes yeux rouge observait avec agacement les deux loups-garous qui furetaient en bas de mon arbre. Une main posé sur le tronc pour plus d'équilibre j'observais autour de moi. Si je bougeais les deux loups me repèreraient immédiatement, mais si je restais là je savais par expérience qu'ils resteraient jusqu'à ce que mon odeur disparaissent. Et si l'eau ne tombait pas, elle mettrait du temps.

Je me retenais à grand peine de grincer des dents. Au risque de me faire poursuivre j'avais choisis de filer par les arbres. J'étais perché suffisamment haut pour qu'ils aient du mal à me suivre mais ils étaient agaçants, agaçants et tenaces ! Je sortis d'une sacoche accrochée à ma cuisse un couteau sans manche que je coinçais entre deux doigts avant de m'arrêter et de sauter à terre. D'une torsion des hanches je fis face au premier loup-garous que j'abattis en lui plantant la lame dans le crâne. La surprise étant maintenant passée, l'autre loup s'arrêta à une distance de sécurité. Pas très intelligent mais un bon instinct survit. C'était déjà ça de gagné.. pour eux.

Les yeux plissés j'observais le ciel, accroupis sur le carcasse du deuxième loup. Le ciel se couvrait de nuages gris et grondants, me faisant grincer des dents. Ils auraient quand même pu venir plus tôt ! Une main passée sur mon bras appuya mes reproches mentaux. Là où le deuxième loup m'avait profondément entaillé, tâchant mon haut noir. Une autre entaille, plus petite, se trouvait dans mon cou, souvenir de ce même loup et de l'erreur qui avait faillit me coûter ma tête. Pour ma blessure au bras, je remerciais.. la chance (et non pas les dieux ! Eux ils peuvent aller au diable !) d'avoir un haut sombre pour cacher le sang qui coulait.. même si il était déchiré à cet endroit là.

Un éclair déchira le ciel, suivit presque instantanément par le grondement du tonnerre. L'instant d'après j'avais disparu des environs, préférant m'éloigner des deux cadavres. Pas envie d'avoir la meute sur le dos, j'étais sur d'y passer.. Un mouvement à la périphérie de mon champ de vision m'alerta d'un intrus dans un périmètre trop proche de moi. Je me servais alors de l'élan de ma course pour renverser ce que je pensais être un autre loup au sol. Une main sur la gorge l'autre sur la garde d'une dague quelconque. Celui que je pensais être un loup ne du son salut qu'à ma mémoire visuelle. La pointe de l'arme blanche ne s'arrêta qu'à quelques centimètres de l'oeil de mon intrus. Je restais ainsi quelques secondes, hésitant entre me relever ou faire payer à cet homme la peur qu'il venait de me faire. Je choisis pourtant de me relever, ne prenant pas la peine d'aider l'homme aux cheveux plus blanc que les nuages.

« Gabriel, quelle.. surprise. » fis-je en me retenant de grincer des dents.

J'avais faillis dire "quelle malheureuse surprise", heureusement j'avais pu m'en empêcher. Je ne voulais pas l'entendre ce plaindre. Bien, cet homme qui n'avait d'un ange que le physique, c'est mon frère. Enfin si on veut être exact, c'est mon demi-frère. A peine m'avait-il mis la main dessus deux cents ans plus tôt que je n'avais plus aucunes chances de m'échapper. A croire que maintenant je ne pouvais plus disparaître comme je l'ai fais de nombreuses années auparavant. Injustice.

« Que viens-tu faire dans le coin ? » questionnais-je avant d'être coupé par le rugissement du tonnerre « Alors qu'un orage se prépare ? »

"Ce type est taré." fut la seule pensée qui me traversa l'esprit lorsque mon frère se mit à rire. Sincèrement, qui rirait lorsqu'une lame est sur le point de vous crever un œil ? Personne ! Enfin personne de saint d'esprit, et même les fous ne riraient pas à ça. Un rire nerveux peut être ? Je jetais un regard critique à mon opposé. Non, ce type n'avait rien de nerveux dans son comportement. Il lui manquait donc une sérieuse case. Peut être que si je lui recommandait un psy à l'autre bout du monde j'aurais le temps de disparaître avant qu'il ne me remette la main dessus ?

Je l'observais se relever sans faire mine de l'aider, surtout que son sourire m'horripilais. Alors quand en plus il devint plus grand encore je fus prise d'une irrésistible envie de le cogner. Juste pour me défouler. Je le laissais s'exprimer, répondre à mes questions, à près tout c'est quand même moi qui les lui avait posé au final. N'empêche que cette coïncidence me hérissais au plus haut point. Depuis quelques temps elles m'horripilaient et je ressentais de plus en plus d’antipathie à l'égard des dieux. Il ne valait mieux pas pour moi que ces derniers l'apprennent d'ailleurs.

« Quelle.. coïncidence donc. Et, que vas-tu faire maintenant ? » ricanais-je nerveusement

J'allais faire un meurtre, et pour une fois ce ne serait pas mon frère qui en serait la victime mental mais bien ces types qui se croyaient tout permit ! Calme toi.. allez Lucifer, si jamais l'un d'eux se pointe devant toi, reste calme et ignore le, au moins tu survivras à la rencontre. La pluie commença à tomber et ne mit pas longtemps à nous tremper. Je frissonnais désagréablement. La pluie, je ne l'aimais pas, mais alors là, pas du tout ! Autant sous ma forme de dragon que sous celle humaine, je me sentais piégé et vulnérable. Je me détournais de mon opposé pour prendre la direction d'un abri que j'avais repéré un peu plus tôt ; heureusement il restait à l'opposé de l'endroit où j'avais laissé les deux loups. Je ne vérifiais pas si le dragon me suivait ou pas, de toutes façons, quoiqu'il fasse je n'arrivais jamais à l'en dissuader. Un mouvement à ma gauche m'interpella mais je ne fis pas mine de l'avoir vu. C'était sûrement un autre loup qui avait réussit à suivre ma trace avant que la pluie n'en efface l'odeur. Mais il n'attaquait pas, et il y avait une bonne raison à cela. La raison portée un nom : Gabriel. Un dragon peut être acculé puis battu par les loups, mais deux dragons c'est complètement suicidaire même pour eux.

Autant je haïssais ma mère, ma vie et les dieux, autant mon frère était celui qui s'était comporté le plus naturellement avec moi et restait quelqu'un que j'appréciais quoique j'en dise et en pense. Je tournais la tête vers lui, le discernant facilement malgré la pluie diluvienne.

« Gabriel. »

C'était un avertissement, une mise en garde, maintenant c'était à lui de la comprendre, ou de l'avoir déjà comprise. Moi je repris ma marche sous la pluie, faisant attention à où je mettais les pieds jusqu'à apercevoir une grotte en hauteur sur un promontoire rocheux. Ici, même les loups ne pourraient pas mettre la main sur la moindre poussière. Passant les mains sur les prises de la roche, je testais si elles étaient résistantes et non glissantes avant de commencer mon ascension. Si on m'avait dit un jour que mon "métier" développerait ainsi mes capacités.. J'entrais souplement dans la grotte au bout de longues secondes d'escalade, remuant mon bras blessé engourdi par la douleur à cause de l'effort. Je jetais un coup d’œil en dehors. Le rideau de pluie empêchait véritablement la visibilité. A ce moment là, un éclair illumina le ciel, mes permettant de voir un cours instant la silhouette des arbres, et le tonnerre rugit. Quel temps de chien !

« J'ai l'impression que tu m'énerve. » soupirais-je en m'appuyant contre la paroi rocheuse après m'être assis.

Gabriel, mon frère, avait un caractère bien trop opposé au miens pour que je puisse réellement rester calme en sa présence. Bizarrement, les seuls moments où j'acceptais d'être en sa présence sans m'agacer de.. bah de sa présence quoi, c'était quand Maëva était dans le coin. Parce que faire face à cette fille tout en gardant sa santé mentale était impossible, j'avais pris l'habitude de la présence de Gabriel lorsque je faisais face au caractère un peu trop enjoué de mon amie.

Je posais une main sur le sol et il se craquela au centre de la grotte, formant un cercle creux.

« Choisis donc ton sujet de conversation si tu veux tant que ça discuter. Je reviens. »

La dernière partie de ma phrase avait surtout était dite pour ne pas que l'envie de me suivre ne lui prenne, au cas où. Me glissant sous la pluie, je frissonnais lorsque l'eau s'infiltra sous mes vêtements. Sautant en bas de la falaise, je me réceptionnais sous ma forme de dragon et coupais de grosses branches pour pouvoir faire un feu. De toutes façons, les loups garous ne pourraient pas atteindre la grotte même si il voyaient le feu. Je posais un tas de branches dans la grotte sans quitter ma forme de dragon et lorsque je jugeais qu'il y en avait assez, je reprenais ma forme humaine pour escalader de nouveau. En arrivant en haut, définitivement et totalement trempé, je ne cachais pas la grimace de dégoût que m'inspirais toute cette eau en déplaçant deux branches avec moi. J'enlevais les petites branches de la grosse pour les entasser dans le foyer.

Bien que je n'en dise rien, je pouvais le nier autant que je le souhaitait, Gabriel était bien la seule personne en qui j'avais une totale confiance. Non pas que je doutais de Maëva, mais j'éviterais de lui confier ma vie vu dans quel état elle se retrouve après certaines expériences ratées.. Enfin bref, je n'avais pour habitude de lui cacher des choses. Paradoxale n'est-ce pas ? Mais le preuve était bien là, puisqu'il était le seul à savoir que j'étais un assassin. Et il resterait sûrement le seul à le savoir si j'avais le choix de garder cette information secrète.

C'est pour ça que ça ne me vint pas à l'esprit de lui dissimuler le fait que j'étais un gardien, bien que je ne lui ai pas encore dit. Mais c'est aussi pour ça que je n'eus aucunes hésitations lorsque je fis prendre feu au tas de branche d'un simple mouvement de la main, rajoutant par la suite une des grosses branches pour le faire tenir.

Ce n'est qu'après ça que je relevais la tête vers mon frère, observant la lumière des flammes projeter ses ombres sur son visage et faire luire ses pupilles dorées. Les orbes carmines et vermeils s'affrontèrent un court instant et c'est moi qui baissait les yeux le premier pour les plonger dans les flammes. Le temps de pluie m'avais toujours rendu apathique.

« Poses tes questions et j'y répondrais.. sauf bien sur si tu as trouvé un sujet de discussion quelconque. » fis-je d'un air légèrement absent.

Horrible pluie.. j'avais l'impression que mes forces me quittaient et que je n'aurais plus la force de me lever après.