Il faisait nuit depuis bientôt deux heures et pendant ces deux heures j'avais « changé » si je peux le dire ainsi. Ce n'était pas physique dans le sens où mes cheveux aurait soudainement pris une teinte blanche, mais l'expression d'intérêt poli et le sourire courtois que j'arborais en journée avaient quitté mon visage, ne laissant qu'un air impassible et des yeux froids et luisants d'un éclat terrible. Le rouge de mes yeux semblait luire lorsque mes pensées dérivaient vers la mort. Ironie ou non, s'en était flippant en tout cas.

Je serrais les poings de façon convulsive en sentant la neige tomber. C'était plus fort que moi, tout ce qui se rapportait à l'eau provoquait une réaction chez moi. Pourtant je m'arrêtais, déplaçant une de mes mains devant moi. Un flocon se posa sur le gant noir qui la recouvrait et fondit presque instantanément, preuve de que mon corps dégageait une chaleur plus forte que d'habitude. Après avoir appris que j'étais le gardien du feu et de la mort, j'avoue avoir piqué une crise hors des regards de chacun. Comme si le feu n'attendait que ça, ce jour là avait été une véritable catastrophe pour tout ce qui m'entourait. Tout c'était retrouvé en cendre et plus rien de vivant n'existait sur un rayon de cent mètres, une aura noire et semblant.. « gluante » m'entourant alors. Je n'ai pas compris sur le coup et je ne comprend toujours pas ce que cela faisait. Bien que je savais que c'était la mort.

Vraiment flippant.

Enfin, je ne m'attardais pas plus pour ne pas attirer l'attention, encore quelques jours et ma température corporelle retrouverait une chaleur normale.

Je m'engageais dans une rue adjacente à la principale sans qu'aucune des personnes encore présentent à l'extérieur ne s'inquiète plus que ça. Parce que je suis un assassin et qu'effacer ma présence est facile. Je me repasser fugacement la carte de la ville dans la tête, bien que ça ne me servirait à rien, mais au moins je savais maintenant que presque toutes les petites ruelles étaient connectées les unes aux autres. Je risquais donc de tomber sur des collègues ou tout simplement des gens « peu fréquentables », bien que ça ne m’inquiétais pas plus que ça.

Pour la seconde fois de la soirée, je me stoppais, fixant devant moi la silhouette d'un homme entièrement couvert et définitivement immense. La reconnaissance alluma une étrange lueur dans le regard que je posais sur le lycan. C'en était un, impossible de se tromper, l'odeur qui provenait de lui indiquait sans possibilité de se tromper ce qu'il était. Mais en dessous, plus subtile, subsisté une odeur que j'avais enregistré comme « collègue » et « potentielle menace ».

Je me déplaçais de deux pas sur le côté, prenant une position oblique pour surveillé derrière moi et prévenir toute attaque dans le dos.

« Steven.. j'ai l'impression que ta discrétion laisse encore à désirer. Vu l'état de tes vêtements, ta victime n'est certainement pas morte du premier coup. C'est un beau travail de débutant que voilà. » déclarais-je, moqueur.

Il est vrai que provoquer un autre assassin sur sa façon de faire peut être dangereux. Mais j'étais certains que mes déductions n'étaient pas mauvaises, et que la discrétion de cet homme était sérieusement à revoir si il voulait continuer sa carrière d'assassin.

Je ne ratais pas son mouvement à l'intérieur de sa cape lorsqu'il prit connaissance de ma présence, mais quelque chose m'intrigua. Tout son corps hurlait qu'il voulait m'attaquer, il était tendu et rien ne semblait visiblement l'empêcher de le faire. Et je n'étais pas assez arrogant pour penser que c'était mes représailles qu'il craignait. Pourtant il ne bougea pas et j'inclinais discrètement la tête sur le côté pour capter les effluves qui provenaient de lui. Je pouvais donc confirmer qu'il n'y avait rien que lui dans les parages. Je me contentais de secouer la tête, je me fichais bien de ce qui pouvait lui passer par la tête, tant qu'il abandonnait l'idée de vouloir me tuer comme il le confirma.

« Mon but n'est pas d'être discret. Plus on me connaît, mieux c'est. Les gens auront peur de moi, et s'enfermeront à double tour quand ils entendront le cri d'agonie de mes victimes. »

Je l'observais avec un air totalement dubitatif. Lorsqu'il me pointa du doigt, je sentais les ennuis arriver à plein nez.

« Et toi, mon petit Luci', tu es le prochain sur la liste. »

Qu'est ce que je disais ?

« Encore faudrait-il pour cela que tu puisses m'atteindre. » me contentais-je de répondre d'une voix plate.

Je me déplaçais sur le côté, déportant mon centre de gravité sur mes deux jambes et observait pensivement le lycan. C'était faisable. Et au moins il me foutrait la paix cette nuit. D'un mouvement de la main, je désignais la ruelle à ma gauche (donc à sa droite) et reprit d'une voix conservant une neutralité attentive.

« Avec ta manière de faire, je te sentirais venir de loin sois en sur. Je suis en pleine mission actuellement et je ne peux pas m'attarder plus longtemps. Mais je reste très dubitatif sur tes capacités. Je suis donc presque certains avec ce que je sais, que tu serais dans l'incapacité de la mener à bien. Sauf si tu te sens de me prouver le contraire, bien entendu. » expliquais-je avec un amusement dissimulé.

Le choix de l'assassin serait amusant à comprendre par la suite.

Je retins un sourire traître en avisant la réaction du Lycan, sachant par avance que j'avais gagné lorsqu'il rangea son arme. Je ne bougeais pas en le voyant s'approcher, me contentant de surveiller ses bras et ses jambes au cas où il aurait dans l'idée de m'attaquer malgré qu'il soit totalement tombé dans le panneau. J'inclinais légèrement la tête vers le haut pour fixer son masque mais ne cédais pas le terrain face à lui.

« Nan mais écoutez-le ! Moi, incapable de mener à bien une mission d'assassinat ? Mon pauvre Luci', on voit bien que tu me sous-estime ! »

'Pas vraiment mais presque.' songeais-je en lui tournant le dos pour me diriger vers la ruelle. C'est seulement à ce moment là que je permis à un sourire en coin d'apparaître sur mon visage. Ce Lycan était amusant. Qui aurait cru que la vieille méthode de "mettons en doute les capacités de l'ennemi" marcherait ? J'empêchais un ricanement moqueur de m'échapper en me raclant la gorge alors que je m'avançais un peu plus dans la ruelle.

« On va courir, cette petite discussion risque de faire foirer la mission. » me contentais-je de dire avant d'appliquer ce que je venais de dire.

J'avais soigneusement étudier la conception du manoir ainsi que les tours de garde, la relève etc.. C'était pas tous les jours qu'il s'en prenait à des nobliaux. Généralement c'était des histoire de vendettas, vieilles rancunes, héritages etc.. Là plusieurs personnes avaient fouillé le "monde de l'ombre" pour lui mettre la main dessus et lui proposer cette mission. La récompense était alléchante et il avait accepté, mais, pas fou, avait exigé une avance. Ces types n'étaient pas des habitués de ce monde et pouvaient être tentés de l'abattre après la mission. Le mépris s'inscrivit dans ses yeux mais il ne fit rien. A la place il jeta un regard derrière lui et ralentis légèrement pour se retrouver juste un peu plus en avant que le Lycan pour continuer à le guider vers le lieu où ils devaient se rendre.

« Pour ne pas perdre de temps après voilà ce que tu dois savoir. La cible est un noble et son manoir est gardé par plusieurs groupes d'hommes. Quelques uns lui sont fidèles et constituent sa garde rapproché les autres sont des mercenaires. Les groupes tournent autour du manoir à un intervalle de 5 minutes et la relève de la porte principal se fait toute les heures. » expliquais-je brièvement.

Je ne cherchais pas à lui expliquer pourquoi cet homme était notre cible, si le Lycan voulait le savoir il n'aura qu'à poser la question je ne lui avais donné que l'essentiel pour ne pas se faire prendre pour l'instant. Le terrain autour du manoir nous assurait de ne pas attirer l'attention des gens encore dehors à cette heure.

Lorsque le "terrain de chasse" fut en vue je m'arrêtais pour lui adresser la parole une dernière fois.

« Très bien, maintenant c'est toi qui passe devant. » dis-je avec impassibilité « Ne fais pas de bavures j'ai pas envie de rattraper tes bourdes. » le provoquais-je une dernière fois en disparaissant dans les ombres derrière lui.

Désormais je n'allais plus que le suivre, suffisamment près pour l'entendre mais pas assez pour le gêner dans ses mouvements. De toutes façons je me contenterais pour le moment d'éliminer les imprévus.